Célébré en grande pompe au ministère de la Culture il y a plus d’un an, le programme qui vise à installer des œuvres d’art contemporain dans des réalisations immobilières reste en deçà des espérances. En cause, le changement de ministre et, pour son principal promoteur, le président du groupe Emerige, des délais par nature longs dans ce type d’opérations.
PARIS - Le 16 décembre 2015, treize importants acteurs du secteur de l’immobilier signaient avec le ministère de la Culture la charte « 1 immeuble, 1 œuvre » dans laquelle chacun s’engageait « à commander ou acquérir une œuvre auprès d’un artiste ou d’un galeriste pour tout programme d’immeuble à construire ou à rénover ». Pour assurer la mise en œuvre du programme et la garantie de l’esprit de la charte, un comité stratégique et artistique était constitué, selon les vœux de Fleur Pellerin, ministre alors signataire. Aux côtés des deux représentants de la Rue de Valois (Régine Hatchondo, directrice générale de la Création artistique, et Pierre Oudart, directeur adjoint), étaient nommées membres de ce comité pour une durée de trois ans renouvelable trois personnalités qualifiées : Jean de Loisy, président du Palais de Tokyo ; l’artiste Fabrice Hyber et la galeriste Marion Papillon, vice-présidente du Comité professionnel des galeries d’art. Dans la foulée, Fleur Pellerin annonçait une exposition au Palais de Tokyo en février 2017 et l’attribution dans le même temps de trois distinctions : le Grand Prix, le « prix de l’émergence » et le « prix du public ». Et Jean de Loisy de s’enthousiasmer pour ce programme inédit, pour lequel on pouvait « imaginer l’impact sur l’art […] avec, en vitesse de croisière, mille immeubles par an ! ».
Rendez-vous avait été pris en avril 2016 pour la première inauguration, que le ministère souhaitait plutôt concerner un immeuble de logements sociaux. Le remplacement de Fleur Pellerin par Audrey Azoulay le 11 février 2016 a relégué l’engagement aux oubliettes.
Une dynamique laborieuse
Un an plus tard, aucun prix ni exposition ne sont programmés à échéance brève. Et s’agissant des projets aboutis, en dehors du promoteur immobilier Emerige, les résultats sont plutôt minces. Sur le site Internet du ministère de la Culture dévolu au programme, le nombre des projets labélisés, engagés avec des artistes ou réalisés durant l’année 2016, s’établit à quatre, certaines commandes ou acquisitions ayant été intégrées dans la liste alors qu’elles ont été passées ou réalisées avant le lancement de l’opération. C’est le cas des deux sculptures de Richard Texier (né en 1955) pour un immeuble de résidence édifié à Saint-Germain-des-Prés par Pitch Promotion, commandes lancées avant l’opération. Quant aux nouveaux signataires de la charte, ils ne sont que deux : la Soferim et AFC Promotion, dirigée par Alexandra François-Cuxac, par ailleurs présidente de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) et soutien de la première heure de Laurent Dumas. Maigre bilan donc que tente de relativiser le patron d’Emerige : « S’il y a des promoteurs habitués de commander à des artistes, tous ne le sont pas. […] De plus nous sommes dans un contexte de forte dynamique de l’activité, cette démarche nécessite du temps qu’il n’est pas toujours aisé de trouver. Entre l’identification du terrain et la livraison de la construction, trois à quatre ans s’écoulent en général, voire davantage en cas de recours. » À la question de savoir si l’annonce d’une exposition et de l’attribution de prix en février 2017 n’était pas prématurée, Laurent Dumas répond : « Sans doute. Nous sommes confrontés à une réalité : à partir du moment où les budgets sont figés (parce que les immeubles ont été vendus, loués, ou les copropriétés formées), c’est plus compliqué de passer commande ou d’acquérir une œuvre a posteriori. Mais je reste confiant : dans un an, un an et demi, un certain nombre de commandes verront le jour et seront installées dans les immeubles. »
De son côté, Marion Papillon indique que le comité pensait « avoir un rôle plus consultatif. La difficulté pour l’instant est de faire le lien avec tout le monde, car les promoteurs sont tous très différents les uns des autres. Il s’agit de trouver des solutions pour les aider à identifier à quel stade ils en sont ».
Après une première réunion de sensibilisation organisée en juin 2016 au Mobilier national, le parcours « 1 immeuble, 1 œuvre » a été mis en valeur par les exposants de la première édition du salon Galeristes au Carreau du Temple en décembre dernier. Sur la centaine de promoteurs sollicités, la moitié toutefois a fait le déplacement, dont l’ensemble des signataires de la charte « 1 immeuble, 1 œuvre ». Reste que le dialogue qui s’est créé entre galeristes, artistes et promoteurs est salué par tous.
« Au niveau de la FPI, nous sommes en train de mettre en place une plateforme numérique d’informations et de rencontres entre artistes, galeristes et promoteurs de manière à apporter des témoignages et des modes opératoires », précise Alexandra François-Cuxac. «
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Art et immobilier - « 1 immeuble, 1 œuvre » peine à décoller
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Abonnez-vous dès 1 €Fabien Verschaere, A Novel for Life, 2016, fresque installée sur la résidence étudiante Campuséa Montsouris, propriété de Gecina, à Paris. © Photo : Thierry Lewenberg Sturm.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°473 du 17 février 2017, avec le titre suivant : Art et immobilier - « 1 immeuble, 1 œuvre » peine à décoller