Cambodge - Unesco

Angkor : Amnesty dénonce le silence de l’Unesco 

Par Louise Wagon · lejournaldesarts.fr

Le 16 novembre 2023 - 422 mots

BANGKOK / CAMBODGE

Le gouvernement cambodgien expulse de plus en plus de familles d’Angkor, au nom de l’Unesco, pour faciliter le tourisme. 

Vue aérienne du site Angkor Wat. © Shankar S., 2008, CC BY 2.0
Vue aérienne autour du temple Angkor Wat.
Photo Shankar S., 2008

Amnesty International a publié le 14 novembre un rapport sur la situation des droits de l’homme à Angkor, ancienne capitale de l’Empire Khmer du IXe au XIe siècle. Le rapport accuse l’Unesco de « manquer à sa responsabilité de faire respecter et de promouvoir les droits de l’homme » en ne condamnant pas les expulsions forcées de milliers de familles du vaste parc des temples par les autorités cambodgiennes.

Les autorités prétendent que les villageois quittent volontairement le site. Cependant, Amnesty International a mené une enquête approfondie, dont des entretiens avec plus de 100 personnes concernées. Presque toutes les personnes interrogées affirment avoir été forcées de quitter le site archéologique en raison de l'intimidation, du harcèlement, des menaces, et des actes de violence perpétrés par les autorités cambodgiennes. Près de 10 000 foyers ont été déplacés vers deux zones dépourvues d’infrastructures adéquates. Les personnes expulsées sont aussi privées de l’activité touristique d’Angkor, qui leur fournissait un revenu. 

Ces expulsions ont débuté fin 2022, sous prétexte de protéger ce patrimoine millénaire et de préserver son statut de site classé au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1992. En réalité, le site n’a jamais été menacé de perdre son statut depuis 2004, date à laquelle il a été décidé que « la préservation du site de la destruction était raisonnablement sûre ». Ces expulsions sont motivées par le désir du Cambodge de stimuler le tourisme autour des sites archéologiques. 

L’Unesco affirme n’avoir jamais demandé l’évacuation des populations. Amnesty International reproche à l’organisation ne pas avoir dénoncé publiquement les expulsions et les conditions de relogement, alors qu’elle en était informée. Le rapport ajoute que le gouvernement cambodgien a fréquemment invoqué l’Unesco pour légitimer son programme de « réinstallation »

En réponse à l’affirmation d’Amnesty International selon laquelle les expulsions étaient menées en son nom, le Comité du patrimoine mondial de l’Unesco a répondu que les actions d’un État membre ne relevaient pas de sa responsabilité, « même si cet État justifiait ses actions en invoquant l’Organisation »

Amnesty International appelle l’Unesco à « condamner fermement les expulsions forcées en tant qu’instrument de gestion d’un site du patrimoine mondial, à user de son influence pour exiger que le gouvernement cambodgien y mette fin et à faire pression en faveur d’une enquête publique et indépendante ». L’organisation des droits de l’homme met en garde contre le risque que les efforts de conservation soient « de plus en plus instrumentalisés par les États à leurs propres fins, au détriment des droits humains ».
 

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