PARIS [19.07.17] – Le Tribunal de grande instance a ordonné un non-lieu concernant deux instructions judiciaires à la suite de plaintes déposées par Patrizia Nitti contre son ex-associé, Sylvestre Verger, dans l’organisation d’expositions à succès au Sénat. L’épilogue d’une longue saga judiciaire.
La lenteur de la justice a au moins un mérite, elle permet de revenir sur des affaires que l’on pensait terminées. Ainsi en est-il du feuilleton SVO Art, du nom du concessionnaire du Musée du Luxembourg de 2000 à 2010. Le feuilleton judiciaire touche à sa fin, puisque le tribunal de grande instance de Paris a prononcé en juin dernier un non-lieu dans le volet pénal du litige entre deux ex-protagonistes, Patrizia Nitti et Sylvestre Verger, la première reprochant au second entre autres griefs des faux en écritures et des filatures.
Tous les ordres judiciaires ont a été sollicités – civil, commercial, pénal, administratif – dans une affaire complexe où l’argent est cependant le ressort principal. Le tout pimenté par des enjeux de pouvoirs et des accusations de trafic d’influence.
L’affaire démarre en 2000, lorsque Christian Poncelet, alors président du Sénat et conseillé par Yves Marek, un membre de son cabinet en charge de la culture veut faire renaître le Musée du Luxembourg et ainsi soigner l’image du Sénat. Il confie la gestion des lieux à Sylvestre Verger, l’héritier d’une société de transport d’œuvres d’art qui organise également des expositions. La programmation repose sur deux thématiques, la Renaissance et l’art moderne. Pour monter les expositions Renaissance, Sylvestre Verger s’appuie sur l’italienne Patrizia Nitti qui a ses entrées dans les musées de son pays et peut donc ainsi obtenir des prêts inédits d’œuvres.
Le succès vient très vite et repose sur une recette simple : des grands noms (Raphaël, Modigliani, Botticelli...), un lieu intime qui permet de visiter l’exposition en moins de 40 minutes, une boutique démesurée, un service très professionnel, et surtout une communication massive. Selon un décompte fourni par Sylvestre Verger, à part un ou deux ratés, les manifestations attirent entre 200 000 et 500 000 visiteurs payants assurant de confortables bénéfices aux organisateurs. Le Sénat lui-même, aurait encaissé 2,8 millions d’euros en redevances pendant 10 ans.
Les sommes en jeu exacerbent les tensions. A partir de 2007, les relations se détériorent entre Patrizia Nitti et Sylvestre Verger. Patrizia Nitti accuse Verger de ne pas lui avoir versé sa part pour les expositions « Titien » (2006), « Arcimboldo » (2007) ainsi que pour une exposition sur les femmes peintres organisée en 2007 à Washington. Elles se détériorent tellement que Patrizia Nitti est écartée en 2008 et l’exposition sur les Trésors des Médicis qu’elle était en train de monter est annulée, provoquant quelques remous diplomatiques. Elle tentera – en vain – d’obtenir auprès des juridictions administratives, un dédommagement du Sénat pour son éviction.
Au terme de plusieurs procédures judiciaires au civil, la justice déboute Patrizia Nitti de ses demandes pour le dû qu’elle réclame pour l’exposition de Washington, mais lui accorde 320 000 € pour « Titien » et « Arcimboldo ». Un chiffre que conteste Sylvestre Verger. Mais elle ne verra pas son argent, car entre-temps, Gérard Larcher, le nouveau président du Sénat, préoccupé par les rumeurs de trafic d’influence et d’opacité dans les comptes de SVO, résilie en juillet 2009 la convention avec Sylvestre Verger, obligeant ce dernier à déposer le bilan de sa société. Depuis c’est la RMN qui a repris la gestion des lieux. Des actions en comblement de passif sont en cours contre Sylvestre Verger.
L’affaire prend dans le même temps une dimension plus sulfureuse relevant du pénal. Car entre-temps la guerre est également déclarée entre Sylvestre Verger et Yves Marek qui ont pourtant longtemps été très proches. Le conseiller culturel de Poncelet reproche au gestionnaire du musée d’être devenu trop ambitieux et de bénéficier de la protection de hauts fonctionnaires du Sénat en échange de quelques largesses. De son côté Sylvestre Verger fait grief à son ex-ami d’avoir créé une société d’organisation d’expositions et d’avoir fait alliance avec Patrizia Nitti pour le déloger du musée. Il le soupçonne d’être l’origine d’un texte anonyme envoyé à la presse dénonçant la qualité de l’exposition Lippi en 2009. Yves Marek est écarté du Sénat en février 2008, et remis à son corps d’origine, en l’occurrence le Quai d’Orsay.
C’est dans ce volet que la justice vient de rendre une décision de non-lieu, levant les accusations qui pesaient sur Sylvestre Verger qui avait été placé en qualité de témoin assisté. Deux plaintes sont à l’origine de l’instruction. Une première plainte a été déposée en 2008 par Patrizia Nitti pour faux et usage de faux, atteinte au secret des correspondances et à la vie privée. Cela concerne ses relations directes avec Sylvestre Verger à qui elle reprochait, par exemple, de l’avoir fait filer. Une deuxième plainte en 2010, portait sur « le rôle prêté à la présidence du Sénat dans la décision de l'évincer de l’organisation relative aux Médicis et sur les motifs du soutien constant à Sylvestre Verger, notamment en raison de liens prétendus entre ce dernier et certains membres du cabinet de l’ancien président du Sénat ». En l’absence d’éléments probants, le tribunal a donc décidé de déclarer un non-lieu, tout en ouvrant la porte à une reprise du dossier s’il survenait des charges nouvelles.
Le destin du trio qui avait assuré la renaissance du Musée du Luxembourg avant son éclatement en 2008-2009 est pour le moins contrasté. Le nom d’Yves Marek avait été avancé pour une ambassade en Tunisie, puis à Monaco. Sans succès. Il est maintenant ambassadeur « thématique ». Patrizia Nitti, qui avait repris la gestion du Musée Maillol en 2009 a fait faillite en 2015. Sylvestre Verger organise des expositions avec des fragments du Mur du Berlin peints par des artistes, issus de sa collection personnelle constituée pendant « les belles années du Sénat.»
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La justice signe l’épilogue du feuilleton Sylvestre Verger
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