Sylvestre Verger, de nouveau dans l’actualité avec une exposition sur le Mur de Berlin présentée à la gare de l’Est, revient en exclusivité pour le Journal des Arts sur son départ du Sénat en 2009 et les nombreuses procédures judiciaires qui en ont suivi.
Le Sénat a mis fin au contrat vous liant au Musée du Luxembourg en 2009. Que faites-vous depuis ?
J’avais effectivement la responsabilité du Musée du Luxembourg dans lequel j’ai organisé et produit, de juillet 2000 à février 2010, dix-sept expositions qui auront accueilli près de 6 millions de visiteurs ; je faisais travailler plus de 60 personnes en comptant les personnels de mes fournisseurs présents sur le site du musée. Ma société [Sylvestre Verger Art Organisation, SVO Art] ne recevait aucune subvention publique ni aide financière du Sénat. Au contraire, elle a reversé au Sénat une redevance de près de 2,9 millions d’euros. J’ai apporté la preuve que l’on peut être rentable en organisant des expositions qui ont souvent été des « premières fois » (« Raphaël », « L’aventure de Pont-Aven et Gauguin », « Botticelli », « La Collection Phillips à Paris », « Arcimboldo »…).
Après mon départ du Sénat, je suis passé forcément par des périodes difficiles, notamment en raison des difficultés économiques entraînées. Pour faire face à ces difficultés, j’ai été obligé de vendre, et bien à contre-cœur, ma collection du Mur de Berlin, soit 48 pièces, que j’avais présentées pendant vingt ans à travers le monde. Depuis j’ai organisé des expositions avec des musées étrangers : « L’art de René Lalique » en 2010 aux Musées du Kremlin à Moscou, « Royalists to Romantics : Women Artists from the Louvre, Versailles, and Other French National Collections » en 2012 au Musée national des femmes artistes à Washington puis au Musée national de Suède. Et je suis commissaire général d’une exposition, présentée à partir du 15 avril (jusqu’au 8 juillet) à la gare de l’Est à Paris, réalisée en étroite collaboration avec la SNCF, « Art Liberté ». Ce sera pour moi l’occasion de présenter au public une nouvelle collection sur le Mur de Berlin rendant hommage, cette fois, aux artistes emblématiques et historiques du Mur, hommage partagé par des grands artistes internationaux du street art. Je réalise également actuellement, toujours avec la SNCF et la Mairie de Paris, le mur « Art Liberté » situé rue d’Alsace entre la gare du Nord et la gare de l’Est qui sera inauguré en même temps que l’exposition, le 15 avril.
Vous êtes en conflit avec Patrizia Nitti, qui assurait la direction artistique des expositions Renaissance au Musée du Luxembourg de 2001 à 2008 avant d’être remerciée. Où en sont les procédures judiciaires entre Mme Nitti et vous ?
Mme Nitti n’a pas été remerciée, je ne l’ai pas reconduite.
La cour d’appel de Versailles a ramené la créance de ma société SVO Musée du Luxembourg à l’égard de la société Tecniarte de Mme Nitti, avec laquelle nous avions formé des sociétés en participation, à la somme de 320 000 euros, c’est-à-dire 50 % de moins que les sommes que réclamaient celle-ci, d’où la légitimité de notre appel. Aucune malversation n’a été retenue par la cour contre moi. Cette créance concerne l’organisation des expositions « Titien » et « Arcimboldo ». Cette somme a été mise au passif de SVO Musée du Luxembourg SAS qui n’a eu d’autre choix que de déposer son bilan après les actions de dénigrement du Musée du Luxembourg conduite par Mme Nitti, et à la suite bien entendu de la décision du Sénat de changer de système de gestion du Musée le 1er juillet 2009. Si Tecniarte vient de déposer son bilan, c’est dans un tout autre contexte. Par ailleurs, Mme Nitti a voulu faire saisir le produit de la vente de ma collection du Mur de Berlin, vente que j’ai tenu à organiser en France en 2013 sous l’égide de la maison Pierre Bergé et associés, afin justement d’éviter que l’on me fasse le reproche de vouloir échapper à mes obligations. La justice est venue par deux fois, dont l’une tout récemment, annuler la saisie conservatoire. Elle a également débouté trois fois Mme Nitti dans ses poursuites concernant une exposition au Musée national des femmes artistes à Washington. Un appel est en cours, je suis serein.
N’y a-t-il pas une action en comblement de passif contre vous qui vous obligerait à payer les dettes de SVO sur votre patrimoine personnel ?
Il y a effectivement une action en cours, le jugement sera connu en avril 2015. Aucun chef d’entreprise n’aurait pu faire face à de telles cabales dans la presse et à un tel revirement du Sénat, intervenant en pleine crise économique, d’autant que l’objet de la société SVO Musée du Luxembourg était totalement dévolu aux expositions réalisées au musée pour le Sénat. En cas de liquidation, il est très fréquent que le liquidateur engage à titre préventif ce genre de procédure. Je voudrais signaler qu’à partir du moment où la société SVO Musée du Luxembourg a été constituée, et ce, jusqu’à malheureusement sa liquidation, mon patrimoine personnel n’a pas augmenté.
Comment expliquez-vous que le Sénat a mis fin à votre autorisation d’occupation temporaire en 2009 ?
Patrizia Nitti, avec l’appui d’un conseiller technique au service de la présidence du Sénat chargé du suivi du Musée du Luxembourg, a mené une campagne de presse contre moi et contre le Musée du Luxembourg. L’attaque porta entre autres sur l’exposition « Filippo et Filippino Lippi, La Renaissance à Prato ». Aussi lorsque Gérard Larcher a pris la présidence du Sénat en octobre 2008, il a d’abord voulu arrêter tous ces bruits qui étaient orchestrés dans la presse et qui étaient très désagréables, aussi pour l’image du Sénat. Sur ce point je le rejoins, d’autant que je m’étais efforcé de construire une belle image du Musée du Luxembourg. Je tiens simplement à rappeler ici que le rapport d’audit conduit par le Sénat sous la présidence de Gérard Larcher sur ma gestion du Musée du Luxembourg avait été très positif.
Finalement, j’ai pu fermer le Musée pour le Sénat dans le calme malgré toutes ces hostilités. Les œuvres de l’exposition en cours, « Tiffany », sont reparties à Montréal comme cela avait été prévu. Puis le Musée du Luxembourg est resté fermé près d’un an.
Où en est la plainte contre X… pour trafic d’influence déposée par Mme Nitti en 2008 qui vous vise ainsi que l’ancien secrétaire général du Sénat ?
La procédure est toujours en cours. Le juge chargé de l’instruction, René Grouman, a entendu toutes les parties et aucune mise en examen n’a été prononcée. Bien que je me sente très serein sur ce sujet, vous comprendrez que, cette affaire étant en cours, il m’est impossible de faire le moindre commentaire.
Mme Nitti, qui assurait la programmation de la Fondation Maillol, a dû elle-même déposer le bilan. Qu’en pensez-vous ?
Je ne vais évidemment pas pleurer sur son sort après ce que je viens de vous dire et tout ce que j’ai subi. Ses difficultés ne font que confirmer ce que je pense depuis toujours sur ses réelles compétences et ses méthodes. Ce qui m’a toujours étonné, c’est que le Musée Maillol, une Fondation consacrée à la mémoire d’Aristide Maillol bien sûr, mais aussi très tournée vers l’art moderne du temps de Dina Verny, ait pu soudainement passer aux expositions Renaissance…
Par ailleurs, le lieu est trop petit pour accueillir un trop grand nombre de visiteurs, nécessaire pourtant pour couvrir les coûts d’expositions temporaires qui se veulent très grand public. Il est plus adapté pour organiser des expositions plus intimistes, moins chères, comme le Musée le faisait très bien auparavant ; les expositions de qualité étaient alors agréables à visiter. Je m’étonne aussi que Mme Nitti ait pu organiser sa dernière exposition sur les Borgia, alors que dans le même temps celle-ci indiquait, par l’intermédiaire de son avocat le 11 septembre 2014 devant le tribunal, dans le procès qui l’opposait à la maison d’édition Skira pour créance impayée, qu’elle était en grandes difficultés financières. N’est-ce pas jouer au poker avec de futurs prêteurs que d’organiser une exposition dans de telles conditions ?
Comment voyez-vous l’action de la Réunion des musées nationaux (RMN), votre successeur au Sénat ?
La RMN avait perdu le dernier appel d’offres du Sénat auquel j’avais participé lorsque j’étais encore en nom propre avec mon entreprise SVO Art en 2005. On dit qu’il y a moins de visiteurs qu’à mon époque. Ce n’est sans doute pas la même ambiance. La RMN communique moins, c’est certain. Je pense qu’il est difficile de gérer à la fois le Musée du Luxembourg et d’autres grands lieux de culture tels que le Grand Palais. Cela crée des priorités. Je me rappelle des nombreuses expositions du Musée du Luxembourg qui faisaient jeu égal avec celles organisées par la RMN dans les Galeries nationales du Grand Palais. Les temps sont économiquement différents et plus durs aussi. Moi, je vivais mes expositions, qu’elles aient été de grands succès ou non. Avec leurs commissaires, nous faisions partager notre passion à mes équipes, et le Sénat appréciait à travers son président, Christian Poncelet notamment, notre travail. C’est cette symbiose intelligente qui aura fait le grand succès du Musée du Sénat à cette époque et le public la ressentait. Je n’ai plus de rancœur, je ne garde que les bons souvenirs et je ne peux qu’encourager les gens à aller ou à retourner au Musée du Luxembourg. Même si la communication n’est plus la même, la RMN y réalise, elle aussi pour le Sénat, des expositions de grande qualité.
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Sylvestre Verger : « Je n’ai plus de rancoeur, ne gardant que les bons souvenirs »
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Abonnez-vous dès 1 €Sylvestre Verger. © Sylvestre Verger.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°433 du 10 avril 2015, avec le titre suivant : Sylvestre Verger : « Je n’ai plus de rancoeur, ne gardant que les bons souvenirs »