MOSCOU (RUSSIE) [03.11.14] – La Russie se dote enfin d’une loi sur le mécénat dans le secteur culturel, sans toutefois l’assortir d’incitations fiscales ou économiques. Selon Zinaïda Dragunkina, présidente du Comité du Conseil de la Fédération pour la Science, l’Education et la Culture, cette loi serait plutôt une forme de « stimulation morale ».
Les parlementaires de la Douma ont adopté le 29 octobre 2014 un projet de loi consacré au mécénat lors de la session plénière du Conseil de la Fédération. La Fédération de Russie se dote enfin d’une législation encadrant cette pratique devenue incontournable pour le financement de la culture.
Jusqu’ici la législation russe ne comportait pas les termes de « mécénat » ou de « mécène ». Le financement d’institutions culturelles rentrait soit dans le cadre du sponsoring (ou parrainage pour la loi française) soit dans le cadre de la loi consacrée aux activités de bienfaisance. Le manque se faisait cruellement sentir, notamment suite aux malversations financières que le pays a connues sous Boris Eltsine et l’enrichissement colossal de certains entrepreneurs au début des années 2000 avec Vladimir Poutine. Un premier groupe de travail a été constitué il y a quatre ans avant qu’une première lecture du projet de loi ne soit proposée à l’automne 2012. Le processus avait alors été bloqué par l’absence de consensus sur la question des contreparties accordées aux mécènes.
Aujourd’hui, les mécènes ne bénéficient toujours pas de mesures fiscales incitatives comme cela est le cas dans la plupart des pays qui se sont dotés d’une loi sur le mécénat. Cependant, la loi du 29 octobre est un premier pas vers une législation plus complète. Son mérite est de définir le mécénat, comme le souligne Sergueï Rybakov, vice-président du Comité du Conseil de la Fédération pour la Science, l’Education et la Culture. Il s’agit pour le parlementaire russe du « transfert sans indemnité à une personne physique ou morale de biens, à savoir des moyens financiers, des droits de propriété ou d’usufruit ou bien l’accomplissement d’un travail ou d’un service rendu dans la sphère de la culture et de l’enseignement culturel et artistique, orienté vers la sauvegarde des biens culturels et le développement des activités culturelles ». Comme le rappelle Valentina Matvienko, présidente du Comité des régions et ancien maire de Saint-Pétersbourg, cette loi est ainsi une « loi cadre » qu’il n’était plus possible de repousser.
Bien qu’incomplètes, les dispositions de cette loi sont nombreuses. Tout d’abord, l’important est de distinguer mécénat et bienfaisance, distinction que le législateur opère par une limitation des bénéficiaires. Le mécénat concerne alors seulement le milieu culturel, et ne peuvent recevoir des dons sous cette appellation que les organismes d’Etat, municipaux et non-gouvernementaux à but non commercial dans le milieu de la culture ainsi que les organismes d’éducation qui réalisent des programmes dans les champs culturels et artistiques. Ce que l’agence de presse ITAR-TASS résume d’un laconique « musées, bibliothèques, théâtres et établissements d’enseignement supérieur ». En échange des fonds versés, les mécènes pourront se voir attribuer une aide économique de l’Etat – sans plus de précision – ainsi que des récompenses et des titres honorifiques. Les institutions culturelles auront également la possibilité de rendre publiques les donations.
La régulation des relations entre mécènes, bénéficiaires et pouvoir public passe également par l’interdiction faite aux organes du pouvoir et aux instances locales de prétendre au mécénat comme il leur est également strictement interdit d’influencer les choix du mécène et d’entraver son action. Enfin, la loi souligne que le mécénat n’aura pas d’incidence sur le financement des établissements culturels par l’Etat qui ne peut en aucun cas réduire sa participation budgétaire au prétexte que d’autres fonds leur sont alloués.
Zinaïda Dragunkina, présidente du Comité du Conseil de la Fédération pour la Science, l’Education et la Culture, résume cette première incursion du mécénat dans la législation russe par l’idée d’une « stimulation morale ». Toutefois, l’espoir d’une loi plus incitative demeure puisque deux projets sont actuellement examinés à la Douma. Le premier concerne la législation fiscale et devrait effectivement mettre en place des abaissements d’impôt en direction des mécènes et le second, plus farfelu, prévoit un assouplissement des règles d’accès à la nationalité russe pour les mécènes étrangers qui souhaiteraient en faire la demande. Cette deuxième initiative a d’ailleurs été accueillie avec scepticisme par le monde de la culture, notamment Elena Titova, directrice du Musée russe des arts décoratifs et populaires, qui s’insurge que la loi ne s’occupe pas d’abord des mécènes russes, là où il y aurait pourtant tant à faire.
Cette loi, bien qu’incomplète, reste une avancée importante pour un pays dont les institutions culturelles ont grandement souffert du choc économique des années 1990 et qui continuent de souffrir de la dépendance aux pouvoirs publics. C’est pourtant ce même pays dont la deuxième moitié du XIXe siècle a été marquée par un essor flamboyant du mécénat à travers des personnalités comme Pavel Tretiakov et Savva Mamontov dont l’importance pour le financement de l’art est aujourd’hui incontestée.
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Adoption d’une loi attendue sur le mécénat en Russie
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