Exceptée l’opération spectaculaire autour du Poussin, l’année 2007 a été sans retentissement pour le mécénat culturel. En 2008, la Rue de Valois prévoit d’ouvrir les avantages fiscaux aux particuliers
L' acquisition, au terme de plusieurs mois de négociations, de La Fuite en Égypte de Nicolas Poussin, classé trésor national, sera sans nul doute l’opération mécénat culturel de l’année 2007 (1). Ce tableau n’aurait pu entrer dans les collections publiques sans l’aide de la cellule mécénat du Musée du Louvre venu secourir le Musée des beaux-arts de Lyon. Si l’opération a fait mentir un temps l’idée que les grands musées nationaux œuvrent surtout pour leur chapelle, elle témoigne aussi d’une réalité : les dispositifs fiscaux de la loi mécénat du 1er août 2003 (2) profitent encore et toujours aux établissements publics, le Louvre en tête. Dans la plupart des musées et institutions culturelles de moindre envergure, le mécénat représente encore de trop faibles ressources à l’heure où, pourtant, la flambée vertigineuse du marché de l’art et l’érosion des subventions publiques l’ont rendu indispensable. Pour l’année écoulée, aucun poste spécifique n’a été créé. Nous ne disposons pour l’heure d’aucunes données chiffrées précises. L’Admical devrait publier son étude annuelle sur le mécénat d’ici à la fin du premier trimestre 2008 et, de son côté, le ministère de la Culture a lancé, il y a quatre mois, une étude sur le mécénat et le parrainage des activités culturelles à l’échelle du territoire français, dont les résultats seront connus à la fin de l’été 2008. Le nombre de création de fondations d’entreprises reste, cela dit, un bon indice. En quatre ans, d’août 2003 à septembre 2007, plus de 140 fondations ont été créées par des entreprises. Le mécénat culturel poursuit donc sa progression, mais beaucoup d’entreprises semblent encore ignorer les multiples possibilités de la loi 2003. Dans un récent entretien (3), Sylvie Ramond, directrice du Musée des beaux-arts de Lyon, avouait avoir été étonnée, lors de ses recherches de fonds pour l’acquisition du Poussin, du faible nombre d’entreprises qui connaissaient les avantages fiscaux en faveur du mécénat. « Nous possédons l’un des meilleurs systèmes en Europe, mais un certain nombre d’entreprises [plus de 40 %] continuent à ne pas défiscaliser leurs actions », précise Robert Fohr, responsable de la mission mécénat du ministère de la Culture et de la Communication. Pour ce dernier, il reste donc encore un important travail de communication à faire. Le lancement, le 6 novembre dernier, au Château de Fontainebleau, à l’initiative de l’Ordre des experts-comptables, du « Tour de France du mécénat » vise ainsi à promouvoir auprès des petites entreprises la loi de 2003, encore « complètement sous utilisée », déplore André-Paul Bahuon, président de l’Ordre des experts-comptables région Paris Ile-de-France, qui coordonne l’opération prévue jusqu’en juin.
Avantage fiscal
L’année 2008 devrait étendre, dans certaines mesures, les dispositifs fiscaux aux particuliers, comme l’avait annoncé Christine Albanel en septembre dernier (4). Tout d’abord, en ce qui concerne le fragile domaine des monuments historiques. Ceux qui appartiennent à des propriétaires privés – soit près de la moitié des monuments protégés – pourront bénéficier des avantages de la loi de 2003 dès lors qu’ils sont accessibles au public pendant au moins 10 ans. Le mécénat pour les travaux de restauration et d’accessibilité aux handicapés se fera par l’intermédiaire de la Fondation du patrimoine et toute autre fondation ou association reconnue d’utilité publique. Plus précisément, les monuments faisant l’objet d’une exploitation commerciale pourront réaliser jusqu’à 60 000 euros de recettes sans perdre le bénéfice de cet avantage fiscal et, s’il s’agit de travaux pour les personnes handicapées, le bénéfice s’appliquera sans condition. Autre domaine d’extension des dispositifs : les arts vivants et l’art contemporain, pour lesquels les particuliers pourront, ici aussi, bénéficier du système de défiscalisation. Le ministère étudie également la possibilité d’introduire en droit français un outil de financement très répandu aux États-Unis : l’endowment fund (fonds de dotation), constitué d’un capital inaliénable dont seul le revenu des placements est utilisé (lire p. 24). L’idée de permettre aux professions libérales (vivier non négligeable d’acheteurs d’art contemporain) de profiter des dispositifs en vigueur circule également Rue de Valois. D’autres domaines comme l’édition d’art attendent leur tour (lire p. 25). À tel point que l’on en oublie presque l’aspect philanthropique de la chose au profit du seul système d’incitation fiscale.
À l’heure où Bercy ne semble plus hostile à ce dispositif de dynamisation du marché, le mécénat culturel continue sur sa lancée. Reste à convaincre les nombreux mécènes potentiels qui ne se sont pas encore exprimés. Pour ce, une politique culturelle cohérente et forte de la part des pouvoirs publics semble indispensable. Les aspirants au mécénat ne verraient peut-être pas d’un bon œil que l’on rende aliénable ou que l’on loue de manière purement mercantile un patrimoine qu’ils contribuent à préserver.
(1) Lire le JdA n°264, 7 sept. 2007, p. 8.
(2) Rappel : le dispositif relatif au mécénat repose sur deux dispositions du Code général des impôts qui autorisent des réductions d’impôt au bénéfice des personnes physiques et des sociétés : l’article 200 permet aux personnes physiques de soustraire de leur impôt sur le revenu 66 % des sommes versées au titre du mécénat, dans la limite de 20 % de leurs revenus imposables ; et l’article 238 bis, qui en constitue le pendant pour les entreprises, autorise celles-ci à soustraire de leur impôt 60 % de leurs versements au titre du mécénat dans la limite de cinq pour mille de leur chiffre d’affaires.
(3) Lire le JdA n°262, 22 juin 2007, p. 4.
(4) Lire le JdA n°266, 5 octobre 2007, p. 21.
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Extension du domaine de la loi
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°272 du 4 janvier 2008, avec le titre suivant : Extension du domaine de la loi