Irak - Syrie - Archéologie

Une étude tente d’évaluer les pillages archéologiques de Daesh

Par Sindbad Hammache · lejournaldesarts.fr

Le 31 mai 2019 - 547 mots

Des chercheurs estiment à 22 millions de dollars le pillage de deux sites. Des données extrapolables aux milliers d’autres sites (*).

Porte de Palmyre sur le site archéologique de Doura Europos en Syrie, en 2005. © Photo Heretiq
Porte de Palmyre sur le site archéologique de Doura Europos en Syrie, en 2005. © Photo Heretiq, CC BY-SA 2.
Photo Heretiq

Lorsqu’il contrôlait une partie des territoires syriens et irakiens, l’Etat Islamique avait largement puisé dans la terre pour se financer, en extrayant pétrole, minéraux, mais aussi vestiges archéologiques. Revendus sur le marché occidental, la valeur de ces objets d’art n’a jamais pu être évaluée précisément. 

Quatre universitaires américains, dont deux archéologues et deux spécialistes du marché de l’art, se sont penché sur la question, en essayant d’effectuer une projection réaliste du bénéfice engrangé par la vente de ces objets pillés. Pour ce faire, ils ont focalisé leur étude sur deux sites archéologiques bien différents, représentatifs de la richesse du patrimoine syrien. 

Le premier est Doura Europos, un site gréco-romain mondialement connu pour les fresques de sa synagogue. Fouillé à partir des années 1920 par une équipe franco-américaine, on estime qu’il a été excavé à 40 %. Moins connu est le site de Tell Bi’a, le second choisi par les chercheurs, un centre religieux important du second millénaire av. J.-C. Fouillé depuis les années 1980, seul 10 % de ses vestiges ont été étudiés.

Grâce à un algorithme d’apprentissage automatique, les chercheurs ont comparé les données des archéologues à un fichier de 40 000 antiquités vendues sur le marché de l’art, en maison de ventes ou chez les antiquaires. En comparant les objets fouillés avec les objets vendus, ils ont pu estimer leur prix de vente potentiel sur le marché.

Ainsi, ils ont estimé la valeur des quelques 12 000 objets trouvés à Douras Europa autour de 18 millions de dollars, et les 2 500 excavés de Tell Bi’a pour 4 millions de dollars. En extrapolant aux 3 000 sites pillés par l’Etat Islamique répertoriés par l’archéologue Jesse Casana , on comprend l’importance des sommes en jeu.

« Si une toute petite portion d’un site comme Tell Bi’a peut générer 4 millions de dollars, il n’est pas difficile de comprendre que ce pays est une mine d’or archéologique » résume les auteurs de l’enquête. Le chiffre de 100 millions de dollars par an, évoqué en 2017 par un agent français dans les colonnes du Wall Street Journal, pourrait être largement dépassé.

Pour les quatre universitaires, cette étude est un premier pas pour évaluer la valeur de ces pillages, qui prenaient sous l’Etat Islamique la forme d’une véritable industrie. Ils soulignent toutefois que pour bien comprendre les flux financiers occasionnés par ce trafic, plusieurs facteurs sont à considérer. Par exemple au début de la filière, le pillard est rémunéré entre 0,5 et 7 % du prix de vente final dans une galerie ou maison de ventes occidentale.

Ils notent aussi que si les actes de pillages ont explosé sous l’Etat Islamique, transformant les sites archéologiques en véritable gruyère, la pratique était bien établie auparavant, et continuera après : « L’Etat Islamique n’a pas inventé le pillage, expliquent-ils, il a seulement exploité un réseau d’infrastructure dont il a intensifié l’échelle et la productivité »
 

ERRATUM - 31 mai 2019

(*) Contrairement à ce qui est indiqué dans le chapô, ce sont les objets issus des fouilles archéologiques réglementées à Douras Europos et Tell Bi’a qui sont estimés à 22 millions de dollars. Ce chiffre permet aux chercheurs de connaître le potentiel commercial de sites archéologiques syriens.

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