Ouvert à Toulon au début de l’été, le Centre méditerranéen d’art, porté par le Conseil général du Var, propose une œuvre impressionnante de Claudio Parmiggiani. Mais au-delà d’une réponse culturelle à la municipalité d’extrême droite, cette initiative prometteuse survivra-t-elle aux échéances électorales ?
TOULON - Toulon, sa rade, son port, son maire “Front national” et, depuis peu, son Hôtel des arts. Pierre dans le jardin d’une mairie d’extrême droite aujourd’hui en crise et dont le goût pour la création contemporaine semble s’arrêter à une culture provençale d’opérette, symbolisée par le culte voué à “Raimu le Toulonnais”, ou pire à l’organisation de Fêtes du livre aux lectures “bien pensantes”, le Centre méditerranéen d’art s’est installé à quelques mètres du Musée municipal, dans l’ancien siège du Conseil général du Var. Voisin méditerranéen, l’artiste Claudio Parmiggiani a été invité par Sophie Biass-Fabiani pour inaugurer le lieu, ou plutôt tourner la page avant sa véritable ouverture, prévue pour 2001.
Pour l’instant, le bâtiment, littéralement enfumé, a passé l’épreuve du feu. Epilogo/Prologo 1999 poursuit une technique inaugurée en 1970 avec Delocazione et reprise de nombreuses fois par l’artiste. Au centre de la quasi-totalité des pièces, un feu de liège, pneus, huile de moteur, source d’une fumée grasse et épaisse, est allumé. Apparaît ensuite, en négatif, l’empreinte des objets laissés dans les lieux. Ce photogramme à l’échelle d’une pièce révèle alors des silhouettes fantomatiques figées. D’une série de bouteilles en verre posées sur des étagères à une bibliothèque aux livres que l’on devine calcinés, les objets semblent se dessiner d’eux-mêmes sur les murs, produisant parfois de surprenants rendus illusionnistes. Dans les couloir et la cage d’escalier, les empreintes de statues restent comme preuve d’une improbable combustion spontanée. Résultat d’une opération mécanique, proche de la photographie, ces traces nourrissent pourtant un mystère et une symbolique, d’ailleurs parfois trop appuyée. Les carcasses de pendules laissées dans une pièce du second d’étage semblent évoquer un règne déchu, et l’installation dans sa globalité procède de la purification rituelle. La rédemption se niche au dernier étage, dans une pièce rectangulaire au sol recouvert de pigment jaune ; sous-titrée Luce, luce, luce, l’installation finale rompt effectivement avec la noirceur de l’ensemble.
Et ensuite ?
Cette renaissance, après une contrition nécessaire, est-elle celle qui attend le bâtiment ? Dans moins d’un an, le centre fermera ses portes pour subir les travaux nécessaires à sa nouvelle destination. Jean-Michel Wilmotte et Jean-François Bodin ont déjà postulé pour un chantier estimé à 37 millions de francs, mais dont les modalités de financement ne sont pas encore connues. À long terme, le Conseil général semble donc décidé à poursuivre les activités du Centre. Mais en 2001, année de sa réouverture, les élections municipales pourraient faire évoluer la situation politique de la ville.
Jean-Charles Marchiani (RPF), ancien préfet du Var, remarqué pour son combat commun avec le Front national pour éradiquer Châteauvallon du paysage culturel, est sur les rangs. Hubert Falco (DL), président du Conseil général, vraisemblable partisan de ce dernier, poursuivra-t-il son engagement pour la création contemporaine ? La labellisation du lieu comme “Centre d’art” auprès du ministère de la Culture ne semble pas à l’ordre du jour. Cette démarche marquerait pourtant une volonté de pérennisation.
“Étrangère à Toulon, j’ai été touchée par le soutien de ses habitants lors du vernissage. Ils estiment que la politique de la terre brûlée n’est pas la solution”, explique Sophie Biass-Fabiani. Avec son école des Beaux-Arts, un musée municipal dont l’importante collection d’art contemporain ne demande qu’à être exposée et le voisinage de nombreux lieux prestigieux, Toulon a pourtant les moyens de valoriser la création contemporaine.
Centre méditerranéen d’art, 236 Bd Leclerc, 83000 Toulon, tlj 12h-19h, entrée gratuite.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Un rideau de fumée ?
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°88 du 10 septembre 1999, avec le titre suivant : Un rideau de fumée ?