Pour soutenir sa longue et difficile revitalisation, Toulon donne à son nouveau centre-ville une vocation culturelle prononcée.
TOULON - « Il n’y a jamais eu autant de monde ici depuis quarante ans ! » La même exclamation s’échappe de toutes les lèvres, ce vendredi 12 mai, dans ces rues autrefois sordides, devenues proprettes. Sur les visages, la même émotion mêlée de surprise : « il y a des notables, des Toulonnais de 50 ans qui n’ont jamais mis les pieds ici ! », souffle le directeur d’une galerie inaugurée le jour même. Sur une immense scène montée place de l’équerre, Hubert Falco, sénateur-maire (LR) de la métropole varoise, fête la fin d’un chantier dont il date le commencement il y a quinze ans, au commencement du premier de ses trois mandats à la tête de la ville. « Souvenez-vous, ces vingt hectares délaissés ! Il faut se souvenir ! », clame Hubert Falco. Dans son discours à l’attention des commerçants, « courageux précurseurs » qui ont réinvesti le quartier, le maire date de 2002 le début du processus de revitalisation. Jean-Louis Borloo, alors ministre délégué à la Ville et à la Rénovation urbaine, convainc Hubert Falco de reprendre en main le vieux centre pour y installer logements sociaux, activité économique et vie culturelle, sur le modèle de ce qu’il a réalisé à Valenciennes.
Nous sommes alors en 2001, président du conseil général d’alors, il succède à Jean-Marie Le Chevallier, premier maire Front national élu dans une ville de plus de 100 000 habitants, en 1995. Si le mandat de l’extrême droite n’a pas apporté de rupture majeure dans la politique municipale, si ce n’est une gestion catastrophique et des conséquences sur l’image de la ville déjà ternie par l’implantation des réseaux du grand banditisme, il a néanmoins accompagné la déliquescence du vieux centre, laissé aux mains des « marchands de sommeil » et du « milieu » toulonnais, omniprésents dans les discussions du jour. Une lente descente aux enfers commencée durant les années 1970, avec un taux de chômage dans l’agglomération nettement au-dessus de la moyenne nationale, puis redescendu à son niveau moyen depuis le milieu des années 2000.
170 millions d’euros investis
En 2002, avec l’aide de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), la ville initie un programme de 170 millions d’euros dans le quartier Équerre-Pierre Sémard, via un partenariat public privé. La société d’économie mixte (SEM) Var aménagement Développement, dirigée par l’actuelle adjointe à l’urbanisme Hélène Audibert, coordonne les travaux, après dix ans de procédures visant à racheter les immeubles insalubres. Le moteur de la dimension culturelle du projet se nomme Jacques Mikaélian, architecte et aménageur, gérant de la SCI Équerre Sémard développement. Il a racheté une trentaine de locaux en rez-de-chaussée pour proposer aux boutiques de s’y installer, sans « pas-de-porte » (droit d’entrée correspondant au flux commercial supposé). Une opération de 5 millions d’euros, avec l’aide de la caisse d’Épargne et la Caisse des Dépôts, dont le cahier des charges impose aux futurs locataires une activité centrée sur « l’art et l’art de vivre » : galeries, stylistes locaux, commerces de bouche et produits artisanaux régionaux viennent de s’y installer.
Un renaissance culturelle
Cette « Rue des arts » saura-t-elle drainer un flux économique et touristique suffisant pour pérenniser le renouveau du quartier ? Jacques Mikaélian y croit, témoin la Galerie du Canon qu’il a personnellement ouverte, à quelques mètres du Port des créateurs, un incubateur culturel lancé par la ville, qui propose espaces de travail partagés et aides pour les entrepreneurs culturels locaux.
Un accrochage photographique permanent a été imaginé, sous le commissariat de Christian Gattinoni, professeur honoraire à l’École nationale supérieure de photographie d’Arles, et Anne Cartier-Bresson, directrice de l’Atelier de restauration et de conservation des photographies de la Ville de Paris (ARCP). Lore Stessel et Marikel Lahana, jeunes diplômées de l’école d’Arles travaillant sur le thème de la danse, sont les deux premières artistes sélectionnées. À 4 ou 5 mètres du sol, sur la pierre ocre de la basse ville, les photos, presque cachées dans les recoins et les rues adjacentes, se découvrent peu à peu au passant. Le but est d’offrir des perspectives inattendues, au lieu d’une exposition classique qu’on pourrait embrasser sur des murs continus.
Les institutions culturelles toulonnaises, à quelques pas, sont enthousiastes : la rue Pierre Sémard est autant à proximité de l’opéra, le théâtre de la Liberté (scène nationale ouverte en 2011), la Maison de la photographie (institution municipale inaugurée en 2002) et l’Hôtel des arts (dans l’ancien hôtel départemental, ouvert en 1999). À peine plus loin, l’école d’art de Toulon (financée à plus de 80 % par l’agglomération) investira son nouveau campus d’ici environ deux ans. Cette réimplantation culturelle du centre doit faire de Toulon la métropole, « sans complexe culturel face à Nice et Marseille », dont rêve son maire.
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À Toulon, la culture n’est plus en rade
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Abonnez-vous dès 1 €Photo de Marikel Lahana accrochée dans la "rue des Arts" à Toulon © Photo Nathalie Have
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°480 du 26 mai 2017, avec le titre suivant : À Toulon, la culture n’est plus en rade