Un Parlementarium à l’Assemblée nationale

Paris. À Bruxelles, le Parlement européen accueille un demi-million de visiteurs par an. Le Reichstag de Berlin est visité annuellement par trois millions de touristes. La Hongrie ouvre les portes de son parlement à quelque 700 000 visiteurs chaque année, tout comme le Royaume-Uni, sur les bords de la Tamise. Des chiffres bien loin des 170 000 personnes qui sont entrées dans l’Assemblée nationale en 2023, pourtant un record de fréquentation pour la chambre basse du Parlement français. Ce visitorat essentiellement scolaire, et forcément groupé, certains députés travaillent depuis la précédente mandature à l’élargir : un projet désormais bien engagé, avec une consultation architecturale en cours et un appel d’offres pour assistance à la maîtrise d’ouvrage.

Dans sa seconde feuille de route, publiée en 2018, le groupe de travail parlementaire sur « l’ouverture de l’Assemblée nationale à la société et son rayonnement scientifique et culturel » préconisait la création d’un « Parlementarium », sur le modèle du centre d’interprétation bruxellois au sein du Parlement européen. Les élus du groupe de travail envisagent alors un équipement ambitieux combinant valorisation du patrimoine de l’Assemblée nationale et information sur le rôle et le fonctionnement de l’institution. « Ce sera un projet coûteux, nous le savons. Mais, à mes yeux, il s’impose, car il est anormal de ne pas avoir à l’Assemblée nationale un lieu d’accueil et d’exposition qui soit à la hauteur », défendait la rapporteuse du groupe Delphine O (LREM) lors d’un compte rendu.

Six ans plus tard, ce projet est désormais budgétisé, à hauteur de 35 millions d’euros, et aura bientôt un maître d’œuvre. Quatre agences d’architecture ont été présélectionnées pour participer à ce prestigieux concours : Bernard Desmoulin (Musée de Cluny, Musée des arts décoratifs), Moatti-Rivière (Musée Champollion, Cité de la dentelle de Calais), Philippe Prost (Anneau de la mémoire, Monnaie de Paris) et SRA (architectes associés sur Lascaux IV ou la Samaritaine). « Monumentalité », « solennité », et une recherche d’harmonie avec la façade du Palais-Bourbon sont attendus de la part des architectes engagés dans le concours.

Ces quatre agences expérimentées ont en charge un périmètre étendu, comprenant le parvis précédant la colonnade et la cour attenante, les espaces sous l’emmarchement du grand escalier, et surtout l’actuel pavillon du public (à droite de la colonnade sur le quai d’Orsay, construit en 1888) et le pavillon de la presse. Ces deux derniers seront démolis pour être remplacés par des constructions neuves de deux étages en élévation, complétées par deux niveaux en sous-sol. Au total, le « Parlementarium » devrait disposer de plus de 4 000 mètres carrés, dont au moins 1 200 consacrés à un espace d’exposition permanente. Aujourd’hui, seuls 800 mètres carrés sont dévolus à l’accueil des publics. Des espaces dont le directeur des bâtiments de l’Assemblée nationale tirait un triste bilan lors d’une audition devant le groupe porteur du projet, en 2018 : « Éclatés, peu pratiques, peu accessibles ».

L’équipement muséographique doit enrichir la découverte de l’institution, qui se limite aujourd’hui à une visite guidée des espaces historiques à partir d’un espace d’accueil étriqué. À l’image du « Parlamantarium » bruxellois, ou du Capitole Visitor Center de Washington, le lieu devra mettre en scène le fonctionnement de l’Assemblée nationale, ainsi que les enjeux du débat et de la démocratie participative. L’agence d’ingénierie culturelle Lamaya a produit un premier programme muséographique, dans lequel la neutralité des représentations est un enjeu important. Cette refonte des lieux permettra également de valoriser les collections de l’Assemblée nationale, qui n’ont pas d’écrin attitré : le procès-verbal du Serment du jeu de Paume, des lettres d’Olympe de Gouges, des costumes dessinés par David pourront ainsi émailler le parcours.

Dans le cahier des charges, l’enjeu de l’accessibilité est très fortement mis en avant, concernant les bâtiments, mais aussi les contenus muséographiques, visant « une réelle exemplarité en matière d’accessibilité universelle ». Aujourd’hui, la majorité du parcours de visite patrimoniale n’est pas accessible aux personnes à mobilité réduite.

Futur grand chantier du Palais-Bourbon, la réalisation de cet équipement prendra la suite d’une série de restaurations moins visibles. Plus de 25 millions d’euros ont été investis dans la rénovation de l’hôtel de Lassay, de l’hôtel de Broglie, ainsi que dans la réfection du clos et du couvert du Palais-Bourbon. L’Assemblée nationale mise sur l’automne pour communiquer un calendrier et une programmation précise du futur « Parlementarium ».