Un loup en porcelaine de Chantilly

Objet de fascination et de rivalité, la porcelaine connaît son âge d’or au XVIIIe siècle. Les grandes cours occidentales se livrent une compétition effrénée pour percer le secret de fabrication de cette pâte à la solidité mystérieuse. Chantilly se positionne ainsi comme le challenger de la manufacture de Meissen en Saxe, qui détient un temps le monopole. L’enjeu est tel que c’est le prince Louis-Henri de ­Bourbon-Condé en personne qui fonde la manufacture de porcelaine cantilienne en 1735.

Pendant une très courte période, de 1740 à 1750, la manufacture cantilienne se spécialise en effet dans les statuettes animalières. Cet engouement répond certainement à la passion des princes de Condé pour les animaux – ils possédaient une grande ménagerie dans l’enceinte du domaine, dans laquelle on trouvait notamment des loups. Cela fait aussi écho à la ménagerie de porcelaine installée dans les appartements du prince où il y avait entre autres des léopards et des lions.

Contrairement à sa rivale, la manufacture ne dépasse pas le stade de la pâte tendre, ce qui la contraint à réaliser uniquement de petites pièces. Sa pâte est par ailleurs moins blanche et les artisans doivent utiliser un émail spécifique, à base d’étain, pour la blanchir. Cet émail distinctif confère à la pâte un aspect onctueux. Il permet notamment de rendre de manière très réaliste et tactile le pelage des animaux qui sont produits dans cette manufacture au mitan du XVIIIe siècle.

Passionnés par la faune, les princes de Condé étaient d’habiles chasseurs et la forêt de Chantilly était une terre de chasse particulièrement prisée, notamment pour le loup. Louis-Henri de Bourbon-Condé était un immense veneur ; il avait d’ailleurs fondé ses célèbres écuries pour la chasse. Il aimait aussi s’entourer d’œuvres évoquant sa passion ; il a entre autres commandé à Jean-Baptiste Oudry un tableau représentant une chasse au loup qui est toujours conservé au château.

Depuis quelques années, le château s’emploie à reconstituer la collection de porcelaines afin d’évoquer ce passé historique, et devenir l’institution de référence de la manufacture de Chantilly. Il est depuis peu accompagné par la Fondation La Marck qui a permis d’acquérir des pièces du service des princes ainsi que des fromagers à décor bovin. Le loup a ainsi été préempté pour 26 000 €, en vente publique chez Fraysse et Associés grâce au soutien de cette fondation luxembourgeoise.