MOSCOU / RUSSIE
La toile représentant Ivan le terrible tuant son enfant, qui provoque le courroux des milieux conservateurs, a une nouvelle fois été vandalisée.
Pendant que le président français Emmanuel Macron tressait vendredi 25 mai des louanges à la culture russe, citant Tolstoï devant Vladimir Poutine, un vandale a sérieusement endommagé l’un des plus illustres chefs-d’œuvre de la peinture russe. La toile Ivan le Terrible et son fils Ivan le 16 novembre 1581 d’Ilia Répine, conservé à la Galerie Tretiakov, était depuis longtemps dans le collimateur des ultra-conservateurs russes. Elle représente avec force dramaturgie le tsar étreignant désespérément son fils ensanglanté, le tsarévitch Ivan Ivanovitch. Cédant à un accès de folie meurtrière, le tyran venait tout juste de commettre un infanticide.
La toile a été déchirée en trois endroits, mais « le plus précieux, c’est-à-dire les visages et les mains du tsar et du tsarevitch sont demeurés intacts », indique un communiqué du musée. Le vandale a été interpelé par la police mais son identité n’a pas été révélée. Il est passible d’une peine de prison pour « destruction ou vandalisme sur objet du patrimoine culturel ». On ignore comment l’individu a pu introduire dans l’enceinte du musée un objet métallique, alors qu’une fouille systématique est pratiquée à l’entrée.
À sa création en 1885, la toile avait déjà fait des vagues dans les milieux conservateurs, qui ne tolèrent pas qu’un tsar soit montré sous un jour aussi sombre. D’autres contestent la véracité historique du meurtre. Très conservateur lui-même, le tsar Alexandre III en avait interdit toute exposition le 1er avril de la même année, ce qui en fait la première toile censurée dans l’histoire russe. Léon Tolstoï avait pris sa défense et salué la « force » et « l’audace » de cette œuvre.
Elle avait été rachetée par le collectionneur Pavel Tretiakov, qui parvient à faire lever la censure. Mais elle est lacérée de trois coups de couteaux en 1913 par un iconoclaste, ce qui avait alors poussé au suicide le conservateur de la Galerie Tretiakov, Gueorgui Khrouslov. Le tableau avait toutefois pu être restaurée dans son état original grâce au concours d’Ilia Répine.
La dernière offensive contre le tableau remonte à 2013, lorsqu’un groupe d'historiens et d'activistes orthodoxes a adressé une pétition au ministre de la Culture Vladimir Medinski, exigeant que la toile soit retirée de la Galerie Tretiakov, au motif qu'elle offense les sentiments patriotiques des Russes. Même s’ils n’ont pas eu gain de cause, les ultra-orthodoxes savent qu’ils peuvent compter sur la complaisance du pouvoir, d’où le passage à l’acte de vendredi.
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Un célèbre tableau d’Ilia Répine lacéré à la Galerie Tretiakov
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