Premier du genre consacré à un dessinateur vivant, le Musée Tomi-Ungerer/Centre international de l’illustration vient d’ouvrir ses portes à Strasbourg.
STRASBOURG - Une semaine après son ouverture, le 2 novembre, la file d’attente ne diminue pas devant le Musée Tomi-Ungerer, dernier-né des institutions culturelles strasbourgeoises. Gratuit pendant un mois, le musée, premier du genre en France consacré à un illustrateur vivant, ne peut accueillir plus de cent personnes simultanément.
Depuis 1975, Tomi Ungerer donne régulièrement à sa ville natale une partie de sa production graphique. Riche de 8 000 dessins et ouvrages, la collection est aujourd’hui déployée dans la villa Greiner, une demeure construite au cœur de la ville à la fin du XIXe siècle. Toute de blanc vêtue, la scénographie met parfaitement en valeur les dessins originaux auxquels sont associés les ouvrages ou affiches publicitaires définitifs, ainsi que quelques objets (jouets, sculpture, automates, figurines) qui ont pu inspiré Ungerer pour ses compositions. « Nous voulons faire connaître les genres graphiques auxquels Tomi s’est attaché : l’illustration pour enfant, le dessin satirique ou publicitaire », explique la conservatrice, Thérèse Willer. Ces trois composantes définissent ainsi les axes principaux du parcours, lequel démarre au rez-de-chaussée avec les illustrations pour la jeunesse, des œuvres aussi spirituelles que poétiques comme en témoignent Le Géant de Zeralda, Les Histoires farfelues de Papaski ou Pas de baiser pour maman. Dans un souci didactique, le musée présente, aux côtés de certaines planches originales, le dessin réalisé au préalable à l’encre de Chine ainsi que l’étape en couleur. Des bornes interactives donnent accès à l’inventaire numérisé de la collection, laquelle sera, par souci de conservation, présentée par roulement selon un rythme de trois cents feuilles renouvelées tous les quatre mois. L’ensemble est enrichi de quelques projections vidéo de dessins animés où l’on retrouve Les Trois Brigands, Jean de la Lune ou Le Chapeau volant. D’autres gadgets scénographiques – ainsi la douche sonore diffusant les chansons illustrées par Ungerer – ajoutent au ludisme du parcours.
Le premier étage est dévolu à la publicité et au dessin satirique. L’occasion de retrouver la célèbre affiche Black Power/White Power militant contre la ségrégation raciale, ou des dessins de la série The Party, critique acerbe de la haute société new-yorkaise. Le rez-de-jardin témoigne de la face plus obscure du créateur avec les feuilles magnifiques des Danses macabres, auxquelles succèdent, le long d’un étroit corridor donnant sur une petite pièce sombre, les dessins et esquisses érotiques des Grenouillades, Totempole et Fornicon. Ils sont dévoilés avec les figurines ayant servi à leur élaboration, des poupées Barbie désarticulées se prêtant à des poses sado-masochistes. Là encore, le dessin témoigne du trait de génie d’Ungerer.
Les quelques dessins de Ronald Searle, Saul Steinberg et André François (trois artistes qui ont fortement influencé Ungerer) annoncent, quant à eux, les prochaines expositions temporaires du musée. Monographiques ou thématiques, elles évoqueront l’histoire du dessin d’illustration au XXe siècle à travers des figures tels Bosc, Chaval, Maurice Henry, Robert Weaver, Willem, Steinberg... Les illustrateurs contemporains feront leur apparition dans un deuxième temps. « Notre but est de montrer que le dessin d’illustration, jusque-là confiné dans les bibliothèques ou cabinets d’estampes, a son droit d’entrée au musée », conclut Thérèse Willer. Qui mieux qu’Ungerer pouvait en faire une aussi convaincante démonstration ?
2, av. de la Marseillaise, 67076 Strasbourg, tél. 03 69 06 37 27, tlj sauf mardi et jf, 12h-18h et 10h-18h le week-end. Catalogue de la collection, 256 p., 39 euros, ISBN 978-2-35125-051-8. - Coût des travaux : 2,6 millions d’euros (1,8 million pour la rénovation et l’aménagement intérieur, 800 000 euros pour la scénographie) - Architecte : Emmanuel Combarel - Muséographe : Roberto Ostinelli - Superficie : 700 m2 - Nombre de pièces conservées : 8 000 - Conservatrice : Thérèse Willer
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Trait de génie
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Abonnez-vous dès 1 €Né en 1931 à Strasbourg, Tomi Ungerer a débuté sa carrière de dessinateur et illustrateur à New York en 1957. Son premier livre pour enfant, Les Mellops font de l’avion, et ses campagnes publicitaires pour les agences de Madison Avenue lui apportent un succès considérable. Il s’attaque aussi au dessin satirique et politique – son affiche Black Power/White Power est devenue une référence dans le genre. Particulièrement prolifique, son œuvre est saluée depuis près de quarante ans dans le monde par de nombreuses distinctions. En 1981, le Musée des arts décoratifs à Paris lui avait organisé une vaste rétrospective et, en 2001, le Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg lui a rendu hommage avec l’exposition « Tomi et New York ». Depuis 1975, il fait don à sa ville natale de nombreux dessins originaux, affiches et ouvrages.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°269 du 16 novembre 2007, avec le titre suivant : Trait de génie