Le Musée d’art moderne et contemporain, fermé au printemps 2023, dispose désormais d’un bâtiment plus fonctionnel. Les nouvelles expositions mettent en lumière son histoire.
Saint-Étienne (Loire). Doté d’une très riche collection, le Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Étienne Métropole (MAMC+) s’est offert un toilettage de fond. À l’approche de ses quarante ans, le bâtiment signé de l’architecte Didier Guichard avait en effet besoin d’une réfection complète pour rester fonctionnel et confortable. Dix-huit mois de travaux ont été nécessaires pour faire peau neuve. Il fallait réaménager les six mille mètres carrés de surface de cimaises – qui abritent une partie des fonctions techniques ; installer un nouveau dispositif assurant de façon efficace et plus discrète le traitement de l’air et la régulation thermique ; enfin changer le revêtement amianté des sols et restaurer la lumière zénithale tout en la modulant grâce à des voiles occultants.
Tout cela a coûté cinq millions d’euros, majoritairement financés par Saint-Étienne Métropole, l’État ayant concédé pour sa part une enveloppe de 632 000 euros. Quant à la Région Auvergne Rhône-Alpes, elle accorde au musée une subvention annuelle de 24 000 euros au titre du FRAR (commission restauration) et du FRAM (commission acquisition). Ce montant dérisoire n’a pas empêché la vice-présidente déléguée à la culture et au patrimoine de s’exprimer, lors des journées de réouverture, sur la nature soi-disant « élitiste » du musée. En près de quarante ans d’existence, le MAMC+, qui accueille en moyenne 60 000 visiteurs par an, a pourtant vu passer dans ses murs des générations d’enfants et d’adolescents de tous milieux sociaux : certains, comme Jean-Michel Othoniel ou Djamel Tatah, sont devenus artistes.
Le chantier a également été l’occasion de rénover un espace appelé la « Grande réserve » qui n’offrait pas des conditions de travail et de conservation idéales. Près de trois mille œuvres, essentiellement des photographies et des peintures, ont ainsi été dépoussiérées, « stabilisées », mises en caisses et déménagées – une vaste campagne de restauration s’ouvre à cette occasion. Mais les travaux ont aussi comporté de bonnes surprises : ainsi de l’exhumation, dans le hall d’accueil, de la sculpture murale Espace Zéro de Jean-Pierre Raynaud. Ce triptyque de pans de murs carrelés sur lesquels sont apposés, à la façon de tableaux, d’autres panneaux de carreaux de faïence blancs d’où pend, reliée par une chaînette, une minuscule médaille estampillée du chiffre zéro, a été commandé en 1987 à l’artiste. Il avait mystérieusement disparu derrière une cimaise – alors même que la façade de céramiques noires du bâtiment a justement été conçue en écho au travail de Jean Pierre Raynaud, lequel ignorait visiblement que son œuvre avait été escamotée pendant des années. Cette pièce imposante, superbe, constitue dès l’entrée un choc visuel.
Le musée rouvre avec quatre expositions, dont deux ont été pensées à partir de son fonds. La première, intitulée « Hors Format », retient 70 œuvres parmi les 140 identifiées comme trop grandes ou trop endommagées pour être emballées lors de la réfection de la réserve principale. À partir de ce parti pris, l’accrochage tente de rendre compte de l’évolution de la politique d’acquisition du musée, de ses collections d’art ancien à l’orientation contemporaine impulsée en 1947, puis développée avec passion par Bernard Ceysson, à la tête de l’établissement de 1967 à 1998. Deux pièces remarquables de Frank Stella (Agbtana II 1968, et la monumentale Fladrine, 1994) témoignent du tropisme américain du musée et de son ambition renforcée dans les années 1970, conduisant à l’édification du bâtiment actuel. Un édifice emblématique de la politique culturelle mise en place par le président François Mitterrand, mais ancré néanmoins dans son territoire (le groupe Casino, détenu par la famille Guichard en fut pendant longtemps, et bien avant la loi sur le mécénat, un soutien important).
La deuxième exposition thématique, « Brand New ! », affirme la ligne éditoriale du musée à travers une présentation d’œuvres récemment entrées dans ses collections grâce à des dons d’artistes, d’ayants droit, de galeristes, de collectionneurs privés et de l’association des Amis du musée. Quatre grands ensembles mettent en avant les figures méconnues de Lena Vandrey (1941-2018), Max Wechsler (1925-2020), Charles-Henri Monvert (1948-2018) et enfin de Bernard Joubert (1946) dont l’économie de moyens radicale embrasse avec un sens aigu du protocole plusieurs enjeux picturaux. Ces focus reflètent à leur façon les choix esthétiques de la directrice Aurélie Voltz et du conservateur Alexandre Quoi. L’exposition souligne aussi les connexions qu’entretient l’institution avec les galeries : Ceysson & Bénétière, avec laquelle elle a un lien historique, mais aussi la regrettée gb agency, qui représentait Hassan Sharif (1951-2016), Chantal Crousel, ou encore la galerie ETC, qui a su accompagner vers l’établissement stéphanois l’ayant droit de Max Wechsler. Deux solos sont consacrés à des artistes contemporains : le photographe David Meskhi et la plasticienne Anne Bourse, lauréate de la onzième édition du prix des Partenaires du musée dédié aux arts graphiques. Si le MAMC+ rénové tient la promesse d’un « parcours amélioré », il reste pourtant « à l’étroit dans ses murs », assure Aurélie Voltz, soulignant qu’il y manque « l’espace nécessaire pour présenter la collection permanente ». Cette extension à l’étude constitue la prochaine étape pour le musée, dans un futur qu’on lui souhaite proche.
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Saint-Étienne retrouve son musée d’art
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°644 du 29 novembre 2024, avec le titre suivant : Saint-Étienne retrouve son musée d’art