PARIS
Accusant de lourdes pertes consécutives au confinement, le musée doit aussi, en l’absence persistante de touristes étrangers, adapter son modèle.
Paris. Arrivée il y a à peine un mois à la direction du Musée Rodin, Amélie Simier a une priorité claire : rétablir les finances de l’institution. Ce musée national sous tutelle du ministère de la Culture s’autofinance à cent pour cent, et ne peut donc, en l’état, profiter du plan de relance public. Et pourtant il y a urgence : pour la seule année 2020, les pertes s’élèvent à 3,4 millions d’euros, pour un budget de 11 millions d’euros. Fermé la moitié de l’année, le musée a été privé d’une bonne partie de ses recettes de billetterie et revenus annexes (boutique, restaurant, privatisation). Et les perspectives pour 2021 sont plus sombres encore ; malgré la réouverture le 19 mai, Amélie Simier prévoit une perte supplémentaire de 5 millions d’euros. Les étrangers représentent en effet 75 % de ses 600 000 visiteurs, et, avec la très lente reprise du tourisme à Paris, il ne faut pas trop compter sur eux pour retrouver l’équilibre.
Côté dépenses, les marges de manœuvre sont limitées. Le musée a pu économiser sur certains postes, pour un total de 1 million d’euros en 2020, mais il n’a pu bénéficier du chômage partiel en raison de son statut d’établissement public. En 2021, il va fermer temporairement l’accès au public du site de Meudon (Hauts-de-Seine), ne laissant sur place que le personnel nécessaire à la conservation des œuvres et du bâtiment. Par ailleurs, le musée a dû supporter des charges nouvelles liées au télétravail (informatisation des agents) et aux mesures de protection sanitaire.
Dans ce contexte, la stratégie est simple : faire venir les Franciliens. Et ici, le musée ne manque pas d’atouts, à commencer par son magnifique parc orné de statues en plein cœur de Paris. L’exposition du moment (jusqu’au 2 janvier 2022), « Picasso-Rodin », qui se déroule simultanément au Musée Rodin et au Musée national Picasso, est un motif d’attraction. Le musée va également organiser des conférences, des visites du décor du défilé Dior qui s’installe chaque année dans le jardin, des concerts et ateliers divers. Il va aussi étendre ses horaires avec des nocturnes les jeudis, vendredis et samedis du 22 juillet au 28 août.
Mais tout cela ne résout pas le problème des pertes. Et même si le musée dispose d’une trésorerie solide, il s’est tourné vers l’État – « c’est en cours », précise sa directrice. Amélie Simier peut compter sur Roselyne Bachelot, présente lors de la réouverture du musée et qui a une relation particulière au lieu : la ministre de la Culture s’y rendait très souvent lorsqu’elle était enfant, lui a-t-elle confié.
Le joker des éditions originales de bronze
Édition. Si le musée peut s’autofinancer à cent pour cent, c’est qu’il dispose d’une source exceptionnelle de revenus : la vente de bronzes de Rodin. Ayant droit de l’artiste, il peut commercialiser des fontes, ce qui lui rapporte selon les années entre 3 et 5 millions d’euros, soit 30 à 50 % de ses recettes. Mais c’est une activité aléatoire et de « haute couture », selon la directrice. Ce n’est pas toutes les années qu’un musée comme le Louvre Abu Dhabi en 2020 lui achète deux grandes sculptures. En théorie, le musée dispose d’un « réservoir » considérable : outre les moules originaux, chaque plâtre peut faire l’objet d’une édition de 12 exemplaires. Mais le musée ne peut mettre sur le marché, constitué des musées et des collectionneurs privés, qu’une quantité limitée de nouvelles fontes, sous peine de faire baisser les prix. Un conseil scientifique veille au respect de l’œuvre et une équipe commerciale est chargée de trouver des acheteurs en direct ou à travers des accords avec des Galeries.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Musée Rodin : une reprise sous contraintes
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°569 du 11 juin 2021, avec le titre suivant : Musée Rodin : une reprise sous contraintes