NEW DEHLI / INDE
Malgré une politique nationaliste hindouiste menaçant le patrimoine musulman en Inde, le premier ministre Narendra Modi est l’hôte du comité.
« L’Inde appelle le Monde a se rassembler pour promouvoir le patrimoine des uns et des autres, et amplifier le bien-être de l’Humanité » : lors de l’inauguration de la 46e session du comité du patrimoine mondial de l’Unesco, à New Dehli le 21 juillet, le premier ministre indien Narendra Modi affirmait l’attachement de son pays à la protection du patrimoine. Assorti de la promesse d’une subvention d’un millions de dollars pour le centre du patrimoine mondial - dirigée vers les pays du Sud global - cette déclaration du dirigeant indien cache pourtant une politique d’effacement du patrimoine musulman en Inde.
Choisi comme symbole de cette réunion annuelle du comité, qui verra l’inscription des nouveaux sites sur la liste du patrimoine mondial, le Taj Mahal est ainsi l’un des lieux qui symbolise les tensions à l’encontre du patrimoine musulman. Construit par le sultan Moghol Shah Jahan, il fait l’objet de menaces de destruction de la part de groupes suprémacistes hindous, ou de pétitions exigeant d’hindouiser son nom. Un autre site du patrimoine mondial, le minaret de Qûtb à Delhi, fait l’objet de mêmes pressions de la part d’extrémistes, exigeant qu’il soit rebaptisé en l’honneur du dieu Vishnou.
Si la destruction de ces sites du patrimoine mondial bien identifiés semble peu probable, d’autres lieux du patrimoine musulman ont été effacés sous le gouvernement de Narendra Modi. La politique nationaliste hindoue du premier ministre encourage en effet la destruction des biens patrimoniaux : en juillet 2023, une foule de 1000 personnes brûlait ainsi l’intégralité de la bibliothèque historique conservée dans une madrassa de la ville de Bihar Sharif. En février dernier, ce sont les autorités indiennes elle-même qui rasaient une mosquée du XVe siècle à Dehli. En mars 2023, les autorités locales détruisaient plusieurs mosquées centenaires dans l’état du Gujarat.
En janvier 2024, le Congrès des historiens indiens s’élevait contre la destruction annoncée de la mosquée Sunehri Bagh (protégée par la législation patrimoniale locale) à Delhi, dénonçant une « tentative permanente d’effacer notre patrimoine architectural médiéval ces dernières années ». Les destructions ciblent en effet les édifices datant du sultanat de Dehli (1206-1526) et de l’empire Moghol (1526-1857), périodes de domination musulmane en Inde. L’histoire de cette période est ainsi retirée des livres d’histoire, et les noms de lieux datant de la période Moghol rebaptisés.
Inauguré en janvier 2024 par le premier ministre Modi, le temple de Ram à Ayodhya est manifeste de cette politique d’effacement. Le gigantesque lieu de culte est édifié sur l’emplacement de la mosquée du souverain moghol Babur, détruite en 1992 lors de violents conflits inter-communautaires. Lors de son discours devant le comité du patrimoine mondial, Narendra Modi évoquait le temple d’Ayodhya comme exemplaire de « l’engagement [de l’Inde] à être fière de son héritage ». Le dirigeant indien citait également le chantier du « corridor de Kashi-Vishwanath », grand aménagement de ce lieu de pèlerinage majeur pour les Hindous. En décembre 2023, Narendra Modi qualifiait ce grand projet de « résurrection de la gloire civilisationnelle de l’Inde ».
De rares voix se sont élevés contre la tenue de la session du comité en Inde, du 21 au 31 juillet. L’historienne indienne Yasmin Saikia a ainsi publié un texte, interpellant le comité : « Je demande aux leaders du comité du patrimoine mondial : ressentez vous la douleur des musulmans d’Inde dont le patrimoine est effacé parce que certains veulent les rendre "étrangers" à l’histoire de l’Inde ? L’histoire peut-elle être effacée parce qu’une communauté, certes majoritaire, veut renier une autre communauté, minoritaire ? Peut on faire disparaître l’histoire simplement par la volonté et la violence de la communauté majoritaire ? Ces questions, et bien d’autres, devraient être discutées et délibérées lors de la 46e session du comité du patrimoine mondial. »
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L’Inde, un hôte contestable pour la 46e session du comité du patrimoine mondial de l’Unesco
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