Un projet d’arrêté qui doit élargir les conditions d’obtention de leur carte professionnelle inquiète les guides-conférenciers, déjà fragilisés par la baisse du tourisme et une concurrence plus rude.
PARIS - Le 3 novembre, environ 200 guides-conférenciers se sont rassemblés sur la place du Palais-Royal, à Paris, afin de protester contre un projet d’arrêté interministériel qui a été communiqué en octobre aux associations représentant la profession. Ce texte cosigné des ministères de l’Économie, de la Culture et de l’Éducation, que Le Journal des Arts a pu consulter, modifie les conditions d’obtention de la carte professionnelle des guides-conférenciers.
Aujourd’hui, ce précieux sésame, qui confère aux guides-conférenciers un certain monopole dans l’exercice des visites commentées dans les musées de France et les monuments historiques dans le cadre d’une prestation commerciale avec un opérateur de voyages (1), est délivré de manière permanente, après une formation spécifique. À savoir une licence professionnelle de guide-conférencier ou la validation, au cours d’un master, de trois unités d’enseignement dispensant un enseignement théorique et pratique en arts, patrimoine, langues étrangères, guidage…
Le projet d’arrêté, censé entrer en vigueur le 1er janvier 2017, dispose que l’obtention de la carte de guide-conférencier pourra désormais être étendue aux titulaires d’un grade de master [toutes disciplines confondues] « justifiant au minimum d’une expérience professionnelle d’un an cumulée au cours des cinq dernières années dans la médiation orale des patrimoines » et maîtrisant « une langue vivante étrangère, une langue régionale de France ou la langue des signes française ». Pour Bercy et sa direction générales des Entreprises – qui exerce sa tutelle sur les guides-conférenciers —, c’est là un moyen d’ouvrir plus largement la profession, notamment aux jeunes.
Un marché saturé
Problème : « Le marché est déjà saturé de guides qui ne parviennent pas à vivre correctement de leur profession », proteste Camille Perrière, vice-présidente du Syndicat professionnel des guides interprètes conférenciers. Le secteur est en effet encombré par la concurrence des guides non encartés (lire le JdA no 429, 13 février 2015) et affecté par la baisse des touristes en France, qui prive les guides, en particulier en langues asiatiques, d’une bonne part de leur clientèle. Un contexte difficile qui alimente les réflexes corporatistes. Aussi, l’idée d’abaisser les barrières d’une profession réglementée – dont les contours très hétérogènes n’ont été harmonisés que très récemment (2) – passe mal. « Cela ramène notre métier au rang de job d’appoint », déplore Armelle Villepelet, présidente de la Fédération nationale des guides interprètes et conférenciers, qui milite pour que la formation, « qui donne un socle commun de savoirs et de savoir-faire », reste obligatoire. À noter que si la formation est aujourd’hui nécessaire pour obtenir la carte, elle peut néanmoins être en partie contournée par la procédure (laborieuse) de validation des acquis de l’expérience (VAE) qui autorise des personnes possédant une certaine pratique du métier à disposer de la carte, à condition que les unités d’enseignement soient validées.
Le nouvel arrêté, qui a fait descendre les guides dans la rue, est-il donc si inquiétant ? « Il facilitera beaucoup l’entrée sur le marché de personnes que nous estimons peu qualifiées », estime Armelle Villepelet. « Mais nous avons échappé au pire », reconnaît-elle, rappelant qu’un premier projet d’arrêté, soumis en août aux associations, prévoyait d’étendre l’accès à la carte aux titulaires d’un diplôme non de master, mais de licence. Les guides-conférenciers restent cependant sur le qui-vive. Depuis 2014, ils se sont largement mobilisés pour défendre leur profession, redoutant la suppression de leur carte professionnelle, une menace qu’avait laissé planer une étude d’impact de l’avant-projet de la loi Macron. Le ministère de la Culture n’a pas manqué de soutenir la profession en inscrivant dans la loi relative à la création, à l’architecture et au patrimoine récemment promulguée que le personnel qualifié pour mener des visites dans les musées et les monuments devait disposer de la carte de guide-conférencier. Mais les conditions d’attribution de ladite carte continuent de faire débat. À l’heure où nous mettons sous presse, des représentants des différents ministères doivent se réunir avec les associations professionnelles pour les informer de la nouvelle réglementation.
(1) article L.221-1 du Code du tourisme.
(2) qui a rassemblé au sein de la même réglementation et la même formation quatre professions du guidage.
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Les guides-conférenciers se protègent
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°467 du 11 novembre 2016, avec le titre suivant : Les guides-conférenciers se protègent