Les « Entretiens du patrimoine » font leur retour

Paris. Du 28 au 30 novembre dernier, le Musée du quai Branly accueillait un événement attendu depuis une décennie, le retour des « Entretiens du patrimoine ». Un grand raout professionnel, « mais pas que », prend soin de préciser Pascal Liévaux, adjoint au chef de la Délégation à l’inspection, à la recherche et à l’innovation (DIRI) au sein du ministère de la Culture, et organisateur de l’édition 2023 : « Les Entretiens répondent à un besoin de se rencontrer, et d’avoir une attitude prospective pour les années qui viennent. L’idée est de rassembler largement les acteurs du patrimoine et de casser les cloisonnements entre disciplines. »

En mars 2022, lors du grand colloque international organisé par la Fondation des sciences du patrimoine, s’était fait sentir ce besoin d’un espace de discussion sur les sujets sensibles qui ont émergé depuis 2013 : le dérèglement climatique, les nouveaux outils numériques… De tels rendez-vous existent pour certaines branches du patrimoine, mais aucun événement ne réunit archéologie, musées, patrimoine bâti et patrimoine vivant comme l’avait fait l’an dernier ce colloque. « C’est une demande forte des collègues, et une volonté portée par Jean-François Hebert, directeur général des Patrimoines », précise Pascal Liévaux.

Lancés en 1988 par François Léotard, alors ministre de la Culture, sur le modèle des Entretiens de Bichat qui réunissent le monde médical, « Les entretiens du patrimoine » sont dans les premières années très axés sur le patrimoine bâti. Les actes de ces discussions constituent ainsi des guides pratiques de restauration des monuments pour les gestionnaires ou architectes du patrimoine. En 1994, Les entretiens du patrimoine deviennent un lieu de discussion entre chercheurs, universitaires et professionnels du patrimoine, sous l’impulsion de la directrice générale du Patrimoine Maryvonne de Saint-Pulgent, qui avait diagnostiqué alors un « déficit doctrinal » au sein de sa direction.

Quelques années plus tard, la réactivation de ces entretiens – abandonnés en partie à cause de l’image d’entre-soi qu’ils véhiculaient – répond aussi à une demande de réflexion théorique sur le patrimoine. Le rapport de Philippe Bélaval en 2018 mettait ainsi en exergue le « besoin d’un réarmement intellectuel et scientifique » au sein de la direction générale des Patrimoines.

Le champ patrimonial a évolué au cours de la dernière décennie, et le programme des trois journées du Quai Branly se voulait le reflet de ces changements. Une première session faisait ainsi le point sur les évolutions législatives et doctrinales, avant que les questions centrales des usages, de la transition écologique et numérique et des matériaux n’occupent les présentations et tables rondes suivantes.

« Nous n’avons choisi que des sujets à fort impact social », souligne Pascal Liévaux, qui souhaite casser l’image d’un rendez-vous fermé sur le reste du monde. Les questions de restauration des œuvres, du patrimoine naturel mais aussi du patrimoine immatériel n’étaient pas délaissées, mais le patrimoine bâti s’est tout de même taillé la part du lion. Pour conclure ces trois jours d’Entretiens, une table ronde consacrée à la place de la nature dans la conservation-restauration bousculait la vision figée du patrimoine, et élargissait la réflexion. Celle-ci se poursuivra en 2025, les Entretiens reprenant leur rythme bisannuel. Les actes de ces trois jours seront, eux, publiés en août prochain.