États-Unis - Musée

Les employés du Philadelphia Museum of Art en grève pour la 3e semaine

Par Alexandre Clappe · lejournaldesarts.fr

Le 13 octobre 2022 - 668 mots

PHILADELPHIE / ÉTATS-UNIS

Ce mouvement social qui s’installe dans la durée, témoigne du développement du syndicalisme dans les musées américains.

L'entrée nord du Philadelphia Museum of Art. © Hall + Merrick Photographers/Philadelphia Museum of Art, 2021
L'entrée nord du Philadelphia Museum of Art.
© Hall + Merrick Photographers / Philadelphia Museum of Art, 2021

C’est l’une des plus importantes et des plus longues grèves de l'histoire de Philadelphie (Pennsylvanie). Depuis le 26 septembre 2022, 180 employés du Philadelphia Museum of Art (PMA) s’opposent à leur direction concernant les termes de la convention collective issue de la création du syndicat du PMA en 2020.

Ils mettent en avant les diplômes coûteux (l’université est très chère aux États-Unis) que leur emploi exige pour demander des augmentations de salaire et des prestations de soins de santé plus généreuses (les mutuelles sont également très chères) : « Nous ne gagnons pas assez d'argent pour rembourser nos prêts étudiants et acheter une maison », a expliqué le président du syndicat du PMA, Adam Rizzo, à la radio locale WITF.

Selon Norman Keyes, directeur de la communication du musée, la direction a proposé des augmentations allant jusqu'à 11 % d'ici le 1er juillet 2024, ainsi que quatre semaines de congé parental, entre autres. Mais les employés affirment que ces augmentations sont annulées par l'inflation élevée et ne règlent pas la question des bas salaires des employés, bien moins payés que les cadres. La direction du PMA a refusé de rencontrer les dirigeants syndicaux le 30 septembre dernier et n’a pas répondu à la dernière proposition de convention syndicale. 

La négociation semble donc bloquée alors que divers responsables publics, comme le maire de la ville, travaillent en coulisses à rapprocher le conseil d'administration du musée et le syndicat, dans le but d'un accord. « Je pense qu'ils pourraient exercer davantage de pression », a réagi Adam Rizzo au New York Times, faisant remarquer que la ville est propriétaire du musée. La mairie paie effectivement les factures du PMA - qui ont coûté 3,4 millions de dollars au cours de l'exercice 2021, selon les états financiers de l'association - et verse un peu plus de 2 millions de dollars par an au musée. Pour le moment, le musée reste ouvert, les cadres et les employés non syndiqués remplaçant les grévistes.

Cette grève fait partie d’une vague d’activisme syndical qui se développe depuis maintenant deux ans dans de nombreux musées du pays, à rebours de la diminution globale du syndicalisme chez les ouvriers américains. Au début de l'année, les travailleurs du Whitney Museum of American Art de New York ont ainsi organisé des manifestations, et les employés du Museum of Fine Arts de Boston ont débrayé pendant une journée en novembre 2021. 

Mais la grève de Philadelphie semble être la plus longue des employés des musées américains de l'histoire récente. « C'est une sorte de mouvement générationnel, […] l'émanation d’un personnel jeune qui pour la plupart ont fait des études supérieures, sont conscients du rôle qu'ils jouent dans l'économie et comprennent qu'ils ont besoin de meilleurs avantages et de meilleurs salaires. », a déclaré Francis Ryan, historien du travail à la Rutgers University (New Jersey) au Philadelphia Inquirer à propos de ce phénomène. En mai 2022 par exemple, les employés syndiqués du Museum of Contemporary Art de Los Angeles (MoCA) avaient obtenu des augmentations de salaire et de meilleurs avantages après plus de deux ans de négociations. 

Cette grève constitue un premier défi pour la nouvelle directrice du Philadelphia Museum of Art, Sasha Suda, qui a pris ses fonctions ce mois-ci dans une institution déjà ébranlée par des allégations d’harcèlement sexuel de la part d’un responsable de niveau intermédiaire.

Le Philadelphia Museum of Art, connu par beaucoup pour les marches de son imposant escalier que Sylvester Stallone gravit en courant dans le film Rocky, abrite des œuvres majeures de Paul Cézanne, Jasper Johns, Constantin Brancusi, Auguste Rodin, et la plus grande collection au monde d’œuvres de Marcel Duchamp. Il prépare en ce moment une exposition sur l'œuvre d’Henri Matisse, dont l'ouverture au public est prévue le 20 octobre. Dès la publication de l’annonce sur les réseaux sociaux, de nombreux commentaires répliquaient avant d’être bloqués : « PAS de convention. PAS de Matisse ! »
 

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