ISLEWORTH / ROYAUME-UNI
GENÈVE (SUISSE) [28.09.12] – La Fondation Mona Lisa a présenté les conclusions de plusieurs années de recherche sur une version méconnue de la Joconde. Il s’agirait d’une version réalisée par Léonard de Vinci antérieurement à celle du Louvre. Plusieurs historiens mettent en doute cette attribution. A moins que ce ne soit un canular.
Un teint plus clair, un visage plus juvénile, et un arrière-plan différent de celui que l’on connait. Le reste, la posture du sujet, le traitement des mains sont identiques. Voila en quelques mots la description de cette nouvelle Joconde.
Jeudi 27 septembre, la Fondation Mona Lisa, basée à Zurich, a présenté les résultats de plusieurs années de recherche concernant la Mona Lisa of Isleworth. Selon la fondation, cette peinture serait une version antérieure à celle conservée au Louvre, et représenterait une Joconde plus jeune de 10 ans.
La Fondation Mona Lisa a déclaré avoir rassemblé « les preuves historiques, comparatives et scientifiques qui démontrent qu’il y a toujours eu deux portraits de la Mona Lisa par Léonard de Vinci ». Car avant même d’évoquer l’hypothèse d’une version plus ancienne de La Joconde, il a fallu s’attaquer au problème épineux de la paternité de l’œuvre. Les conclusions de ce travail de longue haleine ont été publiées le même jour dans un livre de 320 pages intitulé « Mona Lisa, la version antérieure ». Plusieurs défenseurs de cette jeune Mona Lisa se sont exprimés, présentant les arguments pour appuyer leur hypothèse. Parmi eux, Joe Mullins, un expert de la CIA consulté par la fondation : « pour moi il s’agit de la même personne, j’ai digitalisé la Mona Lisa du Louvre, puis j’ai transformé le portrait en une photo ». La Joconde du Louvre a ensuite été rajeunie de 12 ans sur ordinateur, grâce à une « chirurgie esthétique digitale ». Cette photographie rajeunie artificiellement a ensuite été comparée avec la Mona Lisa of Isleworth. « Tout correspond parfaitement. Je suis persuadé qu’il s’agit de la même personne à deux moments de sa vie » a-t-il ajouté.
Selon le professeur John F. Asmus, physicien chercheur à l’université de Californie, les deux tableaux présentent des similitudes étonnantes, par exemple au niveau des ellipses du visage et du décolleté de Mona Lisa. Appelé à examiner le tableau quelques années plus tôt, Asmus se souvient avoir été « frappé par la beauté du visage, et la laideur du paysage ».
Si certains ne cachent pas leur enthousiasme et leur certitude, d’autres se montrent plus prudents. C’est le cas du professeur Alessandro Vezzozi, directeur du Museo Ideale Leonardo Da Vinci, qui a préféré ne pas se prononcer sur la paternité du tableau, estimant que la toile présentée n’était pas de la même qualité que La Joconde du Louvre. « Ce qui est important, c’est d’avoir été capable de voir aujourd’hui pour la première fois ce tableau et de permettre à d’autres de le voir » a-t-il-conclu. Enfermée dans un coffre en Suisse, la toile n’avait effectivement plus été visible depuis une quarantaine d’années. Il faut dire que cette œuvre contestée est passée par de nombreuses mains au cours de son histoire. Achetée vers 1730 par un noble anglais lors de son « Grand Tour » en Europe, la toile était revenue avec son propriétaire, conservée dans un manoir du Somerset. Il faut ensuite attendre 1913 pour que la peinture soit redécouverte par Hugh Blaker, conservateur du Holburne Art Museum de Bath, qui installa l’œuvre dans son appartement à Isleworth (à l’ouest de Londres). En 1914, pour la préserver des troubles de la Première Guerre mondiale, l’œuvre est expédiée aux États-Unis où elle est mise en dépôt au Boston Museum of Fine Arts jusqu’en 1918. La Mona Lisa d’Isleworth revient en Angleterre en 1936 pour être présentée dans une exposition consacrée à Hugh Blaker à la Leicester Gallery. L’histoire se termine en 1962, date à laquelle le docteur Henri Pulitzer achète le tableau au prix fort, et le fait mettre en sureté dans une banque de Lausanne. A la mort d’Elizabeth Meyer, femme de Pulizter, le tableau a été acheté par un consortium international qui en est l’actuel propriétaire.
Une telle annonce suscite bien entendu son lot de questions. Martin Kemp, professeur émérite à Oxford ne croit pas à l’antériorité de cette toile. Selon lui, les analyses de l’œuvre faites par infrarouge et par rayons X « ne comportaient pas toutes les caractéristiques des tableaux identifiés de Leonardo », et que la version d’Isleworth « était conforme à l’état final de la peinture du Louvre – qui avait subit des changements- et par conséquents elle ne pouvait précéder la peinture du Louvre ». Pour le professeur Mauro Natale, spécialiste de la Renaissance, cette peinture n’est qu’une copie réalisée à la fin du XVIe ou au XVIIe siècle. Le simple fait qu’il s’agisse d’une peinture sur toile le pousse à douter que Léonard de Vinci puisse en être l’auteur, et sa qualité lui semble bien inférieure à la Mona Lisa du Prado.
Interrogé sur l’éventualité d’une mise en vente de la Mona Lisa d’Isleworth, David Felman, membre de la Fondation Mona Lisa, est resté évasif, refusant de donner une estimation de la valeur actuelle du tableau et de révéler le prix payé par le consortium international lors de son achat en 2003.
A supposer que cette toile ne soit pas une copie tardive ou un faux, et qu’elle soit antérieure à la version du Louvre elle remettrait en cause toutes les certitudes sur La Joconde du Louvre. Soit elle est l’œuvre de Léonard de Vinci, et la version du Louvre serait une réplique, soit elle a été peinte par un contemporain de Léonard et ce dernier serait un copieur. Reste l’hypothèse d’un canular, car cette affaire en présente tous les symptômes. A suivre.
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Léonard de Vinci a-t-il peint une deuxième Joconde ?
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Abonnez-vous dès 1 €Mona Lisa of Isleworth - La « Version du Louvre » est d'environ 10% plus grand que la « Version antérieure » - © THE MONA LISA FOUNDATION
Comparaison des visages des deux versions mises à l'échelle © THE MONA LISA FOUNDATION