Église - Politique culturelle

PATRIMOINE RELIGIEUX

Le plan du Sénat pour les petits édifices cultuels

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 1 août 2022 - 581 mots

FRANCE

Un rapport des sénateurs pointe une carence d’ingénierie technique et financière dans les petites communes et plaide pour une diversification des usages de ces lieux.

L'église Saint-Clément de Choue (Loir-et-Cher) est fermée aux offices en raison de son état de dégradation. La municipalité vient de se lancer dans un vaste et onéreux projet de restauration. © Selbymay, 2012, CC BY-SA 3.0
L'église Saint-Clément de Choue (Loir-et-Cher) est fermée aux offices en raison de son état de dégradation. La municipalité vient de se lancer dans un vaste et onéreux projet de restauration.
© Selbymay, 2012

France. Il y aurait, en France, 2 000 à 3 000 édifices religieux sans affectation, inutilisés et menacés d’une dégradation imminente. C’est l’un des enseignements du rapport présenté le 7 juillet par les sénateurs Anne Ventalon de l’Ardèche (LR) et Pierre Ouzoulias (PCF) des Hauts-de-Seine sur l’état du patrimoine religieux. A contrario du discours porté par certains défenseurs du patrimoine, la mission du Sénat évoque globalement « un patrimoine religieux qui ne serait pas en si mauvais état[…], la loi de 1905 a[yant] finalement largement contribué à la préservation de ce patrimoine », comme l’expliquent les rapporteurs. Ce bon état global masque toutefois des disparités, notamment entre un patrimoine protégé ou non, et entre les églises des petites communes rurales et les édifices urbains. Le manque d’utilisation de ces lieux comme leur manque d’entretien régulier pourrait en outre les voir rapidement se dégrader.

Un « enjeu d’ordre sociétal »

Les recommandations des sénateurs sont axées autour de la ruralité, pour laquelle l’entretien et la redynamisation des lieux de culte est un « enjeu d’ordre sociétal ». Première embûche identifiée, un manque de moyens et d’ingénierie pour mener de lourds travaux de restauration dans les petites communes, parfois chargées de l’entretien de plusieurs édifices. Et inutile de compter sur l’État pour ce patrimoine non protégé [au titre des monuments historiques] : « La direction générale des Patrimoines nous a clairement dit : le patrimoine non protégé, l’État ne peut plus s’en occuper », rapporte Pierre Ouzoulias. « Notre message, c’est : ne regardez plus vers l’État, mais plutôt vers l’échelon départemental, communal, il y a tous les outils pour répondre à la demande d’assistance à maîtrise d’ouvrage et de financement. » Parmi ces outils, les CAUE (Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement) pourraient se montrer adaptés, s’ils sont renforcés. Le rapport évoque également d’autres dispositifs départementaux à généraliser, comme un carnet de suivi sanitaire des monuments, un outil déjà mis en place dans le département des Yvelines.

Pour éviter la déréliction de ces édifices, le rapport recommande par ailleurs la « resocialisation » des édifices religieux en milieu rural, en leur trouvant de nouveaux usages mixtes, au service des habitants. Un mouvement qui était en bonne voie, jusqu’à récemment : « On rencontre des réticences qui étaient rares, et qui se ravivent avec de vrais conflits entre communes et communautés religieuses », remarque le sénateur Ouzoulias. Des incidents très médiatisés, comme l’annulation en décembre dernier du concert de l’artiste suédoise Anna von Hausswolff prévu dans une église de Nantes, rouvrent ces conflits. L’enjeu d’un réinvestissement de ces édifices publics est pourtant central, pour leur état sanitaire comme pour l’équilibre social du milieu rural : « Il faut recréer du lien entre les populations, ruraux, néoruraux : une réappropriation collective de l’église pourrait permettre cela », avance Pierre Ouzoulias.

Au préalable, les sénateurs encouragent la conduite d’un inventaire global du patrimoine religieux, y compris des biens mobiliers, cibles du vol dans les campagnes françaises. Le dernier inventaire en date remonte à 1980, et n’a pas recensé l’intégralité de ce patrimoine. Pour réaliser ce rapport, la mission sénatoriale s’est ainsi largement appuyée sur les chiffres de l’Observatoire du patrimoine religieux, une association qui tente de mener ce travail exhaustif. Le rapport souhaiterait voir cette carence comblée d’ici à 2030, et que soit lancée une nouvelle campagne de protection pour certaines typologies d’édifices menacés : le patrimoine des XIXe et XXe siècles et les synagogues alsaciennes.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°593 du 8 juillet 2022, avec le titre suivant : Le plan du Sénat pour les petits édifices cultuels

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