Belgique - Musée

ENTRETIEN avec Kim Oosterlinck

Le nouveau directeur des Musées royaux des beaux-arts de Belgique veut sortir le musée du cloisonnement 

Par Gilles Bechet, correspondant en Belgique · Le Journal des Arts

Le 25 novembre 2024 - 730 mots

Kim Oosterlinck appelle cette institution à être en accord avec son époque et en phase avec les questions de société.

Kim Oosterlinck, Directeur des Musées royaux des beaux-arts de Belgique © Hatim Kaghat
Kim Oosterlinck, Directeur des Musées royaux des beaux-arts de Belgique.
© Hatim Kaghat

Kim Oosterlinck, 50 ans, licencié en histoire de l’art et docteur en économie et gestion de l’Université libre de Bruxelles, y a occupé une chaire en gestion culturelle puis le poste de vice-recteur chargé de la prospective et du financement. Il a pris une part active au projet « ProvEnhance » consacré à la recherche sur la provenance des œuvres acquises en Belgique autour de la Seconde Guerre mondiale. Arrivé en juillet à la tête des Musées royaux des beaux-arts de Belgique, il détaille ses ambitions pour l’ensemble muséal bruxellois.

Quels seront les premiers changements visibles aux Musées royaux ?

Nous entamons de grands travaux de rénovation dans les extensions qui nous servent pour l’instant de dépôt. Pour cela, certaines sections seront inaccessibles et seul le musée d’art ancien restera ouvert. J’ai donc demandé aux conservateurs de réfléchir au parcours de ce musée d’art ancien pour en faire un parcours de musée des beaux-arts couvrant les périodes du XVe au XXIe siècle et sortir du cloisonnement qui avait été la règle jusqu’à présent.

Ce décloisonnement que vous appelez de vos vœux permet-il des regards différents sur les œuvres ?

Oui, je pense qu’il est intéressant de voir comment les œuvres de différentes époques s’influencent. Parfois on ne voit pas directement des éléments d’influence, on les devine par la confrontation. Ça permet aussi d’aborder des thématiques de manière transversale, différemment appréhendées par les artistes au cours du temps.

Vous voulez aussi amener un nouveau public, notamment en renforçant la diversité et l’inclusivité dans les œuvres que vous montrez...

Nous avons encore beaucoup de travail à faire sur l’inclusion, sur ce qu’est un musée des beaux-arts de Belgique. La Belgique a évolué : comment montre-t-on cette diversité dans le musée ? Tout cela fait aussi partie des choses sur lesquelles on doit travailler.

Avec des conséquences sur la politique d’acquisition ?

Effectivement, j’ai demandé à mes conservateurs de signaler les lacunes pour leur période. Cela peut concerner une ou un artiste important, ou un type d’œuvre que nous n’avons pas. Il peut s’agir de lacunes plus structurelles, liées au genre par exemple. Nous voulons consacrer nos maigres budgets d’acquisition à renforcer la cohérence dans la collection.

Cela passe-t-il par un autre regard sur des objets de la collection, jamais ou peu montrés ?

Est-ce que le goût a évolué, et est-ce que l’on a envie de montrer ce qui est au goût du jour ? De manière générale, on ne montre qu’une petite fraction de nos collections. Les conservateurs du musée vont donc intégrer à leur réflexion sur le parcours muséal le principe d’une rotation tous les deux ans environ de 10 % de la collection sur la base d’une thématique pouvant offrir un nouveau regard. En évoquant la liberté, par exemple, on peut voir comment celle-ci est exprimée sur telle ou telle période, et par quels tableaux. Ainsi, on les regardera différemment. C’est aussi un moyen pour moi de montrer au public belge et international que, en fait, ils n’ont pas encore tout vu.

Votre parcours est assez éclectique. Cet éclectisme a-t-il mené à une vision et à une approche plus transversales ?

Il y a une volonté d’être plus interdisciplinaire, de croiser les regards, de ne pas uniquement adopter un regard d’historien de l’art, mais aussi de réfléchir en termes d’histoire sociale des arts, pour une réflexion plus globale sur l’objet. Mener des réflexions qui vont de la provenance à la conservation en passant par des techniques non invasives pour comprendre [le processus de] création des œuvres d’art.

Cela rejoint-il votre envie de mettre en avant la recherche en cours dans un musée, qui est aussi une institution scientifique ?

Effectivement, on fait aussi de la recherche en histoire de l’art, comme en histoire sociale. C’est un message qui me tient à cœur et qui est difficile à faire passer. On peut avoir une réflexion sur les aspects purement esthétiques et iconographiques et également sur ce qu’est une collection, sur les collectionneurs, les marchands, les critiques, sur la réception des œuvres et l’évolution du goût. Par ailleurs, tout un pan important du musée est constitué de dons, de donations, arrivés au fur et à mesure. C’est extrêmement intéressant de comprendre l’origine de ces dons et quelles étaient les motivations des donateurs. Pour le musée, mais aussi, j’espère, pour le public.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°643 du 15 novembre 2024, avec le titre suivant : Kim Oosterlinck, directeur des Musées royaux des beaux-arts de Belgique : « sortir du cloisonnement »

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