TROYES
Les nouvelles galeries de peinture du Musée des beaux-arts de Troyes offrent un meilleur confort de visite malgré quelques choix peu judicieux.
Troyes. Ouvertes au XIXe siècle, les salles de peintures anciennes du Musée des beaux-arts de Troyes ont été rénovées à deux reprises au cours de leur histoire. Une première fois après la Seconde Guerre mondiale et le rapatriement des œuvres qui avaient été évacuées, et une seconde fois dans les années 1980, décennie qui a doté la galerie d’une mezzanine, un dispositif alors très en vogue dans les musées. La troisième refonte de ces espaces a été dévoilée le 15 mars, après trois ans de travaux.
Le but d’une rénovation muséale est d’adapter l’institution aux normes de son époque. Les salles d’exposition permanente de peinture nécessitaient un nouvel éclairage, l’ancien, vieillissant, suscitant les critiques des visiteurs. Les verrières et les lucarnes recouvrant les plafonds ont été changées pour être plus translucides et de nouveaux spots ont été installés pour rendre la lumière moins jaunâtre. Malheureusement, cette amélioration de la lisibilité des œuvres est contrariée par le fait que plusieurs tableaux sont recouverts de vitres reflétant largement la silhouette de celui qui les regarde. Après un vol survenu dans le passé au Musée d’art moderne de la Ville, où des tableaux avaient été découpés à même la toile et emportés, des vitres avaient été installées sur une bonne part de la collection comme mesure de précaution. Aujourd’hui, la conservatrice en chef Chantal Rouquet, chargée de la refonte de ces salles, confirme que ces vitres très réfléchissantes sont tout à fait dispensables (certaines ont d’ailleurs été retirées lorsque des œuvres ont fait l’objet de prêts pour des expositions). Pourtant un bon nombre d’entre elles subsiste et perturbe la contemplation des œuvres, notamment cet admirable Saint Paul de Philippe de Champaigne recouvert d’une vitre usée et abîmée, qu’il faudrait retirer pour apprécier pleinement les qualités du regard de la figure et de sa main levée vers le ciel.
Le chantier avait aussi vocation à remanier le parcours de visite. La grande galerie était encombrée par de multiples cimaises autoportantes, qui composaient un parcours accidenté et manquaient de cohérence. L’espace a été entièrement recloisonné, alternant petites et grandes salles, afin de dessiner un circuit chrono-thématique très linéaire et fluide, assorti d’une médiation écrite développée (cartels et fiches de salles) de bonne facture. La lisibilité et le confort de visite s’effectuent cependant au détriment du nombre d’œuvres exposées. Autrefois volontiers étagés les uns au-dessus des autres, les tableaux sont aujourd’hui accrochés sur un seul rang, ce qui permet, d’après la conservatrice, d’en présenter 250, un peu moins qu’auparavant.
La refonte d’un accrochage a souvent comme autre objectif de se conformer à la mode en vigueur. Aujourd’hui, la vague du « tout blanc » ou de la monochromie, qui prévalait sur les murs des musées au XXe siècle n’est incontestablement plus en faveur. Si quelques musées récemment rénovés font aujourd’hui le choix de l’immaculé (tels le Musée Girodet de Montargis), beaucoup d’entre eux (tels les musées des beaux-arts d’Orléans, de Mulhouse ou de Stockholm) dotent leurs cimaises de couleurs variées, qui scandent les différentes sections du parcours. Ici le musée manie largement la polychromie en toile de fond, utilisant notamment le rose sur de petites surfaces pour mettre en exergue certaines pièces maîtresses des collections, tels le panneau doré de Giotto et de son atelier ou les petits cuivres d’Antoine Watteau (L’enchanteur et L’aventurière). Des variations chromatiques pertinentes, mais qui frôlent le trop-plein dans la grande salle consacrée au XVIIIe siècle, où le bleu ciel et le rose corail, qui évoqueront à certains l’esthétique des boutiques de mode enfantine, se font concurrence. La réfection des salles de peinture constitue la première étape du vaste chantier de rénovation du Musée des beaux-arts de Troyes, qui doit s’achever en 2023 (voir JdA n° 494 du 2 février 2018).
Une collection d’envergure
Parcours. « De Giotto à Corot », tel est le nom du parcours qui va du XIVe au XIXe siècle. Paradoxalement, les œuvres de ces deux artistes sont sans doute les plus décevantes. Le Calvaire avec saint François d’Assise (Giotto et atelier) est dans un état exécrable et le Christ au jardin des oliviers de Corot (déposé par le Musée de Langres) est invisible, car accroché trop haut. Mais de nombreuses peintures – qui ont fait l’objet d’un beau catalogue en 2017 – témoignent de la très grande qualité de la collection troyenne. Ainsi, l’imposant Mariage de Marie de Bourgogne avec Maximilien d’Autriche de Jordaens (déposé par la Ville de Saint-Savine), le plus grand tableau connu de Lubin Baugin (L’enfance de Jupiter), la très aimable série de toiles mythologiques de Charles-Joseph Natoire, qui décorait le château de la Chapelle-Godefroy, l’irrésistible figure d’enfant au chat par Jean Baptiste Greuze (Portrait d’Esprit de Baculard d’Arnaud) et le portrait plein de prestance de l’épouse de Danton (Antoinette Gabrielle Charpentier) par Jacques-Louis David. Le parcours, qui décline également quelques sculptures et objets d’art, comporte en outre de très beaux bustes et bas-reliefs de François Girardon. Ce sculpteur de premier plan du règne de Louis XIV était troyen d’origine.
Margot Boutges
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Le musée Saint-Loup se met au goût du jour
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°520 du 29 mars 2019, avec le titre suivant : Le musée saint-Loup se met au goût du jour