Société

Moïse

Le maire de Venise contraint à la démission

Le maire de Venise Giorgio Orsoni et 34 prévenus ont été interpellés dans le cadre d’une enquête autour du projet de digues mobiles baptisé Moïse

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 17 juin 2014 - 674 mots

VENISE / ITALIE

Accusé de détournement de fonds, blanchiment d’argent et fausses factures, le maire de Venise Giorgio Orsoni a donné sa démission après avoir accepté une peine de quatre mois de prison avec sursis. Une trentaine de notables de Vénétie ont été interpellés et mis en examen, dans le cadre d’une vaste enquête sur la corruption entâchant l’ambitieux projet de digues mobiles sur la lagune.

VENISE - À l’heure où la 14e Biennale d’architecture s’apprêtait à ouvrir ses portes, les Vénitiens ont appris avec stupeur l’arrestation de Giorgio Orsoni. Maire de la ville depuis 2010, Giorgio Orsoni a été mis en examen et assigné à résidence pour détournement de fonds, blanchiment d’argent et fausses factures. Tous ces chefs d’accusation ont en commun le projet Moïse, vaste chantier de digues mobiles censées protéger la ville lors de crues exceptionnelles. D’un montant de 5,5 milliards d’euros, les travaux doivent s’achever à l’horizon 2016. Ce projet est au cœur d’une enquête pour corruption, au cours de laquelle la police financière italienne a mis en examen plus d’une centaine de personnes dont Giorgio Orsoni est, à ce jour, la plus belle prise. Ses avocats ont déclaré à la presse que son arrestation n’était « pas crédible ».

Il a été relâché jeudi 12 juin après avoir accepté sa condamnation de quatre mois de prison avec sursis. Il a déclaré vouloir se remettre au travail : « J’ai eu beaucoup d’ennemis et sans doute est-ce le prix à payer ». Le lendemain, lâché par ses « amis » du Parti démocrate, il a été forcé de donner sa démission. « Nous sommes désolés d’un point de vue humain pour Giorgio Orsoni [...] mais nous sommes parvenus à la conclusion que les conditions pour qu’il poursuive son mandat de maire de Venise n’existent plus », ont alors fait savoir dans un communiqué, Debora Serracchiani, vice-secrétaire du Parti démocrate, et Roger de Menech, secrétaire régional du parti pour la Vénétie. Le préfet de Venise a jusqu’au 3 juillet, date effective de la démission de Giorgio Orsoni, pour choisir le commissaire qui dirigera la cité des Doges avant de nouvelles élections.

L’ancien ministre de la Culture également concerné
Selon l’agence nationale de presse, 34 autres hommes d’affaires et politiciens ont également été mis en examen et placés en détention. Parmi eux Renato Chisso, adjoint régional aux infrastructures ; Giampietro Marchese, conseiller régional pour le Parti démocrate du Premier ministre Matteo Renzi ; Franco Morbiolo le président de la coopérative Coveco, partie prenante dans le projet Moïse ; et un ancien général de l’armée, Emilio Spaziante. Ont aussi été mis en détention deux anciens présidents du Magistrato alle Acque, ancienne entité qui régnait sur la lagune et qui n’est aujourd’hui qu’un faible bras du ministère des Travaux publics. Leurs noms n’ont pas été dévoilés. Les enquêteurs ont également requis l’arrestation de Giancarlo Galan, gouverneur de la Vénétie de 1995 à 2010 et ministre de la Culture en 2011. L’intéressé étant devenu sénateur entre-temps, un vote majoritaire au Sénat est nécessaire pour le priver de son immunité.

Les révélations sur l’étendue et la complexité du système de corruption entourant le projet Moïse ne cessent de s’accumuler. Cette dernière série d’arrestation est le résultat d’une enquête initiée en 2011 après que Giorgio Baita, directeur de l’entreprise de travaux Mantovani (qui fait aujourd’hui l’objet d’une enquête pour fraude dans le cadre de Milan EXPO 2015) a été surpris en République de Saint-Marin en train de transférer des fonds destinés au projet Moïse, avec l’aide présumée de l’ancienne secrétaire personnelle de Giancarlo Galan, Claudia Minutillo. Les enquêteurs estiment qu’autour de 20 millions d’euros de fonds publics ont été détournés vers des comptes bancaires étrangers et recyclés pour financer des partis politiques. Le projet Moïse est largement engagé et la première de ses digues a été testée l’an dernier avec succès. Longtemps contestée par les partis écologistes et communistes, sa nécessité a été clairement établie par plus d’une centaine de scientifiques lors d’une conférence organisée en 2003 à l’université de Cambridge et financée par l’organisme caritatif britannique Venice in Peril.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°416 du 20 juin 2014, avec le titre suivant : Le maire de Venise contraint à la démission

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