La commission des musées régionaux, chargée par le gouvernement britannique de l’évaluation des structures régionales de Grande-Bretagne, recommande un plan radical pour la création d’un réseau
de « relais ». Huit musées sélectionnés seraient nommés « relais régionaux » et recevraient des fonds de l’État en échange de projets d’amélioration et d’assistance menés auprès des autres institutions de chaque région.
LONDRES (de notre correspondant) - La mise en place de ce plan de “relais régionaux” coûtera 267 millions de livres sterling (2,85 milliards de francs) sur cinq ans. La ministre des Arts, Lady Blackstone, a accepté les principales recommandations du rapport. Elle a demandé à Resource – le Conseil pour les musées, les archives et les bibliothèques – de remettre avant le 21 décembre des propositions plus détaillées, motivées par l’allocation accordée à l’activité des régions en novembre 2000. Cette allocation se chiffre à 10 millions de livres par an pour les exercices 2002-2003 et 2003-2004, mais des fonds beaucoup plus conséquents seront nécessaires après cette échéance.
La Regional Museum Task Force a été créée en décembre dernier par l’ancien ministre de la Culture, Chris Smith, en raison de l’inquiétude croissante générée par la crise grave à laquelle doivent faire face les musées et espaces d’expositions financés par les régions. Dirigés par Resource et son président Lord Evans, les neuf membres du groupe sont notamment Neil MacGregor (National Gallery) et Nicholas Serota (Tate Gallery), sans oublier les dirigeants des musées régionaux (Deborah Boden de Bristol, David Fleming de Tyne & Wear (Newcastle), et Jane Glaister de Bradford). Leur rapport de 160 pages intitulé Renaissance dans les régions : une nouvelle perspective pour les musées régionaux de Grande-Bretagne a été publié le 23 octobre.
Différences flagrantes entre certaines villes
Selon la commission, la situation des musées régionaux est “avant tout une situation de crise”. Elle explique que “ce n’est pas une crise soudaine”, mais “le résultat de pressions financières progressives et d’un changement de priorités des dépositaires”. Le financement des musées régionaux par les autorités locales était à peu près équivalent en 1999-2000 (118 millions de livres) à celui de 1995-1996 (107 millions), si l’on prend en compte l’inflation. En revanche, “la situation est soumise à des variations locales considérables et, dans les zones urbaines plus importantes, les services ont souffert de restrictions budgétaires sévères”.
Le rapport isole trois faiblesses récurrentes qui affectent toutes ces institutions : la nature fragmentée des musées non-nationaux ; l’absence de dynamisme des instances dirigeantes dans les régions ; et, enfin, un manque général de moyens dans les grands musées régionaux.
Les commentaires de la commission sont parfois plus alarmants encore : le savoir et la connaissance “ont déserté nos grands musées régionaux”. Dans la plupart des musées, “les collections sont au point mort et il n’y a pas de financements pour les acquisitions”. La gestion et le dynamisme des instances dirigeantes sont “insuffisants pour répondre aux attentes”. “Malaise palpable au sein de toute la communauté des musées non-nationaux et capitulation d’un personnel désillusionné et pourtant compétent.” “Il est difficile de trouver un musée, ou une gamme de services au sein d’un musée, présentant une activité de qualité régulière et constante.”
Les comparaisons les plus parlantes entre les musées régionaux et les musées financés par l’État concernent Bristol et Liverpool. Les musées de Bristol incarnent le cas typique des institutions gérées par les conseils municipaux, tandis qu’à Liverpool, ils sont pour des raisons historiques financés par l’État depuis 1986. Les deux villes ont des populations et des collections muséales comparables, mais les musées et espaces nationaux du comté de Merseyside reçoivent quatre fois plus d’argent que les institutions de la ville de Bristol. Les musées du Merseyside ont un personnel beaucoup plus qualifié, attirent davantage de visiteurs (en particulier des groupes d’études) et peuvent de ce fait mener à bien beaucoup plus de projets. À Bristol, la situation s’est dégradée au cours des dernières années et, de 1993 à 1997, l’effectif des conservateurs a diminué de moitié, pour passer à neuf conservateurs pour 1,7 millions d’objets.
S’inspirer d’exemples étrangers
Comme le signale la commission, c’est “l’occasion où jamais” d’assurer l’avenir des musées régionaux. Ses membres sont allés recueillir des suggestions au sein des différentes institutions, mais ils ont vite compris que la majorité de celles-ci provenait de personnes “trop ancrées dans le présent et dans le passé” et qui espèrent gagner “en construisant sur l’échec”. La commission a alors décidé de se tourner vers l’étranger. Parmi les exemples qu’elle a retenus figurent le Musée Guggenheim de Bilbao, le Delta Plan des Pays-Bas (action stratégique nationale pour la préservation du patrimoine) et le tout nouveau Réseau des Musées portugais (qui a pour mission de les réactualiser).
Le rapport de la commission a souligné que les gouvernements britanniques successifs ont toujours hésité à étendre leur responsabilité financière au-delà des musées nationaux. Cependant, un changement d’attitude s’est opéré récemment, qui s’est matérialisé il y a deux ans par la création du “Designation Challenge Fund”, organisme qui alloue chaque année 6 millions de livres (64 millions de francs) répartis entre les 62 musées reconnus pour leurs collections de premier plan. Dans la lignée de cette initiative, la commission propose un système de relais, suivant lequel les plus grands musées régionaux pourraient recevoir des fonds nettement plus importants.
Au total, 267 millions de livres seront nécessaires sur cinq ans, mais le rapport ne mentionne pas la part prise en charge par l’État. Le communiqué de presse émanant de la commission appelle audacieusement le gouvernement “à investir jusqu’à 267 millions de livres”, tandis que le rapport déclare que le Department for Culture, Media and Sport (ministère de la Culture, des Médias et des Sports, DCMS) devra seulement apporter un peu d’argent : “Même si le gouvernement doit être considéré comme une importante source de financement, on ne peut pas attendre – et en effet, ce n’est pas son rôle – à ce qu’il soit l’unique investisseur.” Une partie des fonds supplémentaires serait versée par les autorités locales, le Fonds de la Loterie pour le Patrimoine, les fondations caritatives et le secteur privé. La question clé concerne la part effective qui sera prise en charge par l’État. Tout dépend de la faculté du DCMS à obtenir ou non davantage de fonds du Trésor public.
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L’avenir des musées régionaux
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°137 du 23 novembre 2001, avec le titre suivant : L’avenir des musées régionaux