Le Musée national de la marine présente ses collections au Palais de Chaillot,
à Paris, mais aussi dans différents lieux des côtes de l’Atlantique et de la Méditerranée. Dans le cadre de sa politique de rénovation, l’institution inaugure un nouvel espace, dans la citadelle de Port-Louis, au sud de la Bretagne, consacré à l’archéologie sous-marine sur la route des Indes. Conçue comme un voyage, la muséographie immerge le visiteur au cœur de cette discipline.
PORT-LOUIS - Construite sous le règne de Louis XIII, sur une presqu’île, à l’entrée du port de Lorient, dans le Morbihan, la citadelle de Port-Louis a vu passer, entre le XVe et le XVIIIe siècle, de nombreux navires en partance pour les Indes ou la Chine. L’imposante architecture militaire, qui abritait déjà le Musée de la Compagnie des Indes de Lorient et quelques salles dévolues aux collections du Musée national de la marine, s’enrichit aujourd’hui d’un nouvel espace de 350 mètres carrés – dans l’angle nord-ouest de la caserne Lourmel – consacrés à l’archéologie sous-marine. Le budget s’élève à 380 000 euros, auxquels il convient d’ajouter la réfection totale du bâtiment réalisée en 2000 par Jean-François Lagneau, architecte en chef des Monuments historiques. Celui-ci a conservé l’aspect originel de la caserne, l’espace étant divisé en une dizaine de salles communiquant entre elles par des baies. L’ouverture de ce lieu est la première étape du projet culturel établi en 1998 par Jean-Marcel Humbert, venu rejoindre Georges Prudhomme à la direction du Musée national de la marine, pour revaloriser les collections et les différentes villes portuaires qui les abritent. Géré par le ministère de la Défense, et depuis peu par une antenne spéciale, la DMPA (direction du patrimoine des Armées), le musée disposait, en effet, de trop petits moyens, les antennes régionales étant bien souvent considérées comme des lieux secondaires, destinés à abriter les fonds les moins intéressants. “Nous souhaitons changer l’image de l’institution : faire de ce Musée de la marine nationale un vrai musée national de la marine ; la marine de l’Armée, évidemment, puisque nos plus beaux vestiges sont ceux du patrimoine militaire, mais aussi la marine de pêche, de plaisance ou la marine marchande”, explique Anne de Thoisy-Dallem, conservateur en charge du projet. Pour immerger le visiteur dans le monde abyssal des fouilles sous-marines, le musée a fait appel à Philippe Délis (Intégral Studio). Il a imaginé un parcours original et ingénieux, qui débute avec les grands échanges maritimes et s’achève sur les résultats de la recherche, à travers la présentation de la donation Franck Goddio.
Jouer avec l’espace
Symbolisant les échanges entre l’Occident et l’Asie, les maquettes du vaisseau de la Compagnie des Indes françaises – le Boullongne – et d’une jonque chinoise de haute mer accueillent les visiteurs. Les premières salles donnent au musée l’occasion de montrer des collections jusque-là stockées dans les réserves. Des instruments de navigation – astrolabe, sablier, nocturlabe – accompagnés de cartes maritimes et de L’Atlas Miller – une des premières cartes de l’océan Indien conservée à la Bibliothèque nationale – projetés par des écrans lumineux, évoquent le départ des Européens vers les contrées lointaines, tandis que les maquettes de navires rappellent l’intensification du trafic sur voie maritime, entre le XVe siècle et le XVIIIe siècle. Dans les pièces suivantes, une vidéo et des panneaux retroéclairés dévoilent le travail des scientifiques pour localiser ces épaves dans les profondeurs sous-marines ; un film de 8 minutes, projeté sur un mur, retrace les fouilles du Royal Captain. Des concrétions d’objets ou des assiettes, chacune issue d’un stade différent de la restauration – l’une est en morceaux, les deux suivantes partiellement restaurées, et la quatrième, remise à neuf –, permettent d’imaginer très concrètement le travail sur les objets trouvés. La scénographie joue avec l’espace, utilise subtilement les cavités pour mieux évoquer le monde sous-marin ou l’intérieur d’un bateau. À la manière d’un matelot, depuis la passerelle, le public découvre 17 canons provenant de l’épave du navire de la Compagnie hollandaise des Indes, le Mauritius, installés dans des fosses recouvertes de gravier bleu et éclairées d’une lumière tamisée. Suspendues depuis le plafond, des cimaises reproduisant les photographies du tumulus du navire hollandais enfoui sous les mers – dont les vestiges sont ensuite exposés –, accentue cette sensation d’immersion. Quelques-uns des 150 objets légués récemment par l’archéologue Franck Goddio, des céramiques de Chine, du Vietnam, de Thaïlande, des Philippines, provenant des épaves de trois jonques, du galion San José et d’un vaisseau de la Compagnie des Indes anglaises, sont ensuite exposés dans une chambre évoquant la cale d’un bateau, avec batteries de canons et cargaisons précieuses. Pour chacune d’entre elles, une pièce emblématique est mise en valeur dans une vitrine isolée, comme l’assiette chinoise du XVIIIe siècle figurant un crabe et une crevette, dont un exemplaire identique se trouve également dans l’exposition consacrée à la porcelaine chinoise (jusqu’au 30 novembre) au Musée de la Compagnie des Indes.
L’ouverture de ce nouvel espace, baptisé “Trésors d’océan”, devrait être suivi de la création d’une salle d’exposition temporaire, d’une pièce consacrée au sauvetage en mer, d’un centre de conférences et d’une cafétéria. Quant au Musée national de la marine, la prochaine étape des grands travaux de rénovation concerne les verrières de la grande galerie du Palais de Chaillot, à Paris.
- Musée national de la marine de Port-Louis, citadelle de Port-Louis, 56290 Port-Louis, tél. 02 97 82 56 72.
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L’archéologie en abîmes
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°152 du 28 juin 2002, avec le titre suivant : L’archéologie en abîmes