Musée - Services

ŒUVRES ET VALEUR D’ASSURANCE

La valorisation des œuvres, du public au privé

Par Héloïse Décarre et Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 18 octobre 2023 - 586 mots

Incessibles, les œuvres des musées publics sont valorisées pour les assureurs selon un système de pondération. Les collectionneurs privés doivent, eux, les réexpertiser régulièrement..

« Le conseil est inscrit dans nos polices d’assurance : il faut revoir la valeur d’une œuvre tous les cinq ans pour une collection classique, tous les trois ans pour une collection contemporaine ! », insiste Daphné de Marolles, responsable de la branche Art et bijoux Tous risques Valeurs d’Axa XL en France. En effet, impossible de fixer le coût d’une prime d’assurance sans connaître la valeur exacte de l’objet à assurer. Dans un marché de l’art très changeant, les réexpertises sont donc indispensables.

Deux possibilités sont offertes aux clients. Qu’ils appartiennent au secteur public ou qu’ils soient issus du privé, les musées doivent fournir des documents – bordereaux d’adjudication de mise en vente, factures de galerie, expertises réalisées par des commissaires-priseurs ou des experts agréés… Soit tout document permettant de connaître la valeur d’une œuvre ou d’une collection. « Nous pouvons demander ces éléments en amont du contrat, au moment de souscrire : dans ce cas-là, nous accompagnons nos clients en valeur dite “agréée” », explique Daphné de Marolles. Les deux parties se mettent alors d’accord sur la valeur du ou des objets concernés. « Au moment de signer la police d’assurance, est donc fixée la limite de l’indemnisation, quelle que soit la valeur de l’œuvre sur le marché au moment où se produit le sinistre. »

La deuxième option est dite en « valeur déclarée » : « Le client déclare alors qu’il a une collection qui vaut tant, sans que nous ne nous mettions d’accord à l’avance sur une valeur par œuvre, ou une valeur de la collection. » C’est au moment du sinistre qu’il appartiendra au client de prouver qu’il possède bien les pièces mentionnées et qu’elles étaient authentiques et en bon état. « Là, nous intervenons en fonction de la valeur de l’œuvre sur le marché, au jour du sinistre », conclut Daphné de Marolles.

Pour Emmanuelle Lussiez, directrice des expositions chez Culturespaces, « c’est vraiment en fonction de l’exposition que sont fixés les prix : est-ce que l’on présente un artiste moderne ? un artiste ancien ? » La cote de l’artiste dicte le montant de la prime d’assurance, lequel n’est pas aussi figé dans le temps que dans le public : les contrats destinés aux collections privées sont renouvelés annuellement, là où, pour les musées nationaux, les taux sont fixés pour des durées de trois, quatre, voire cinq ans…

Un secteur public indépendant du marché

Ce serait cependant une erreur de croire que le marché de l’art est omnipotent, notamment dans le cas des musées publics. « Contrairement aux biens d’un marchand ou d’un collectionneur, les collections publiques françaises sont hors marché, ce qui tempère énormément la valeur de leurs œuvres », rappelle Mathilde Duthoit-Michelet, souscriptrice Art et valeurs chez QBE. Le Musée national Picasso abonde en ce sens : « Nous ne nous arrêtons pas à la valeur marchande stricto sensu, assure Sophie Daynes-Diallo, directrice de la production. Nos conservateurs sont en charge de la valorisation des collections : ils font une veille permanente sur le marché, et appliquent un système de pondération à cette valorisation. Nous appliquons des valeurs en dessous du marché, pour ne pas freiner la diffusion de ces collections. » Réfutant l’idée d’une « sous-valorisation », la professionnelle argue que « les conservateurs du patrimoine ont autorité, et [qu’]ils fixent une valeur qui ne fluctue pas selon les projets ». Tout en reconnaissant que « si une valeur marchande optimale était appliquée, les musées publics auraient beaucoup de mal à ouvrir une exposition ».

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°619 du 20 octobre 2023, avec le titre suivant : La valorisation des œuvres, du public au privé

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