NÎMES
Face aux arènes de Nîmes, le Musée de la romanité conçu par Elizabeth de Portzamparc a ouvert ses portes. Une architecture résolument contemporaine pour exposer le passé antique de cette ville candidate au patrimoine mondial de l’Unesco.
Un nouveau bâtiment jouxte les arènes de Nîmes. Comme si le mistral avait déposé là un nuage en mosaïque de verre, qui aurait pris la forme et le drapé d’une toge romaine plissée afin de refléter les arcades de l’amphithéâtre vieux de deux millénaires. Cet écrin, qui semble en lévitation, a été conçu par l’architecte Elizabeth de Portzamparc pour abriter les collections archéologiques de Nîmes et de sa région. Donnant sur la place, une porte vitrée débouche sur une rue intérieure, au bout de laquelle s’étend un jardin archéologique. On lève les yeux, et voilà qu’on aperçoit les vestiges de l’antique fronton du sanctuaire de la source. D’un coup, l’esprit du lieu – genius loci, disaient les Romains – se dévoile : dans ce Musée de la romanité, qui a ouvert ses portes le 2 juin 2018, la ville contemporaine dialogue avec ses racines antiques. Car la ville de Nîmes n’a jamais tourné le dos à son passé : en entretenant son patrimoine, en y puisant son inspiration et en réemployant ses pierres, elle s’ingénie depuis le Moyen Âge à « vivre l’Antiquité au présent », comme le souligne son dossier de candidature au patrimoine mondial de l’Unesco. Le Musée de la romanité en témoigne.
Ce dernier est l’héritier d’un premier musée, créé en 1823 dans la Maison carrée, l’un des temples romains les mieux conservés au monde, qui dialogue désormais avec le Carré d’art de Nîmes, érigé face à lui par l’architecte britannique Norman Foster. Dédié au culte impérial, le temple ne fut jamais abandonné depuis sa construction au Ier siècle av. J.-C. : utilisé comme maison consulaire au Moyen Âge, avant de servir de maison d’habitation, puis d’église et même de tombeau ducal, cet édifice romain devint après la Révolution française un lieu de réunion du Directoire. Il abrita encore la préfecture du département du Gard, avant d’accueillir, donc, les collections archéologiques de Nîmes et de sa région. Ces dernières furent transférées en 1896 dans une partie de l’ancien collège des jésuites situé au sud de la ville ancienne, devenu trop exigu. La construction du Musée de la romanité témoigne en effet de la vitalité du patrimoine de cette cité qu’on surnomme la « Rome française ». Des mosaïques exceptionnelles exhumées en 2006 lors d’une fouille préventive commanditée par la Ville et menée par l’Inrap en vue de l’aménagement du parking Jean-Jaurès y ont été déposées dès le début du chantier. Elles rehaussent ainsi encore l’opulente collection de 25 000 pièces du musée, dont 5 000 sont exposées. Mais « pas question de sacraliser » ces dernières, souligne l’architecte du musée Elizabeth de Portzamparc. Elles appartiennent aux Nîmois et à ceux qui les visitent. Aussi doit-on pouvoir circuler dans le musée comme dans la ville au cœur de laquelle il est implanté. Tout au long de la visite, les baies vitrées font dialoguer ses vestiges archéologiques avec la ville que l’on comprend de mieux en mieux tout au long du parcours. « Le musée est conçu comme une porte d’entrée pour la compréhension de la Ville de Nîmes », explique Dominique Darde, conservatrice en chef du patrimoine de la ville de Nîmes. L’atrium central, que seules des parois de verre séparent de la place publique, apparaît de fait comme un lieu ouvert sur cette dernière.
Mais bientôt nous voici aspirés dans le torrent de l’histoire : au centre de l’atrium, un élégant escalier à double révolution nous entraîne au sein du musée, dont on aperçoit des pièces par transparence dès le rez-de-chaussée. Chaque section s’ouvre sur une « boîte des savoirs » qui, à travers des repères spatiaux et chronologiques, permettent de comprendre la construction de Nîmes, afin de laisser ensuite le plaisir de la découverte des pièces au visiteur dans son parcours. Ce dernier est par ailleurs ponctué de dispositifs multimédias, qui proposent éclairages et restitutions, comme pour faire parler les pièces à ceux qui les contemplent. La première partie nous immerge à l’époque préromaine en donnant à voir les origines de Nîmes et son histoire gauloise. Puis le visiteur découvre la cité et sa région dans sa glorieuse période romaine. Enfin, dans la dernière partie, vestiges et maquettes mettent en exergue l’influence de la romanité sur la construction de la ville. Le parcours s’achève sur le toit-terrasse. Là, la ville de Nîmes et ses 26 siècles d’histoire s’offre à nos regards. D’un coup, ce Musée de la romanité à l’architecture si contemporaine révèle à quel point sa place est bien au cœur battant de Nîmes. Face à nous, les arènes qui ont résisté aux assauts du temps et où se déroulent toujours des spectacles. Au loin, la tour Magne, érigée sur une tour du rempart gaulois, qui domine aujourd’hui les jardins de la Fontaine. Nous voici prêts à nous promener dans les rues de la cité dont le cœur antique n’a jamais cessé de battre et qui continue d’alimenter la ville contemporaine. À nous deux, Nîmes !
jusqu’au 24 septembre 2018. Musée de la romanité, 16, boulevard des Arènes, Nîmes (30). Tous les jours, de 10 h à 20 h jusqu’au 31 août, jusqu’à 18 h et fermé le mardi à partir du 5 novembre. Tarifs : 3 à 8 €. Commissaire : Dr Rossella Rea. museedelaromanite.fr
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La « romanité » au présent à Nîmes
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°714 du 1 juillet 2018, avec le titre suivant : La "romanité" au présent à Nîmes