Antiquité

Nîmes analyse le culte impérial romain

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 28 juillet 2021 - 702 mots

NÎMES

À cheval entre le politique et le religieux, le privé et le public, la vénération de l’Empereur est aussi intrigante que complexe. Une complexité qui appelait une scénographie plus affirmée.

Nîmes (Gard). À Nemausus, l’ancienne Nîmes, le culte impérial romain a marqué deux sites emblématiques de la ville : la Maison carrée, temple toujours en élévation, et l’Augusteum, disparu, qui occupait une bonne partie du jardin de la Fontaine. Si elle a façonné la ville, cette dévotion organisait également la société. Culte religieux aux visées politiques, la vénération de l’Empereur permet à cette province romaine de manifester son allégeance au pouvoir de Rome. Difficile, pour un visiteur du XXIe siècle qui a grandi dans une société laïque, d’envisager une telle imbrication entre le religieux et le politique. C’est le défi que relève cet été le Musée de la romanité, en s’appuyant sur une multitude d’objets archéologiques : l’exposition « L’Empereur romain, mortel parmi les dieux » bénéficie ainsi des prêts de quatorze partenaires italiens et français.

L’idée d’une religion de propagande, outil de contrôle social, fait l’objet d’une première partie, où une enfilade de grande statuaire plonge le visiteur dans l’ambiance pré-impériale de l’époque augustéenne (fin du Ier siècle avant notre ère). Mais le parcours s’ouvre sur un bas-relief représentant un sacrifice rituel de bétail, où le prêtre officiant, toge relevée sur la tête, serait probablement l’Empereur lui-même. Voilà posé le contexte, d’une part de concentration des pouvoirs de la République dans la seule personne d’Auguste-Octavien, d’autre part de grande porosité, au cœur du pouvoir, entre la religion et le politique. À Rome, la prêtrise est alors une charge politique comme une autre.

Le parcours restitue également, toujours à travers l’objet archéologique, le contexte religieux privé. Car c’est sur ces dévotions rendues au sein d’une famille ou d’une communauté qu’Auguste s’appuie pour développer un culte impérial. À Rome, chaque personne, chaque lieu, sont en effet associés à un génie : dès l’an 12 avant notre ère, Auguste profite de sa forte « cote de popularité » pour remplacer le culte répandu des génies des carrefours par celui de son propre génie. Puis c’est une distinction fine qu’il s’agit désormais de faire entre divus (divin) et deus (dieu) : l’apothéose d’Auguste à sa mort, décrétée par le Sénat, fait de lui un mortel divinisé. Un Divus Augustus qui reste néanmoins inférieur au plus petit des dieux.

Ambition scientifique

Ce premier temps de l’exposition, très dense en informations, est suivi d’une partie consacrée à l’expression du culte impérial dans la Gaule narbonnaise. Dans un couloir empli de stèles funéraires, le visiteur découvre la charge du flamine, le prêtre attaché au culte impérial nommé pour une année. Une désignation prestigieuse qui venait couronner une carrière publique. On évoque aussi dans ce second temps les rites et les lieux associés à ce culte : l’Augusteum est ici représenté par d’imposants fragments restaurés à l’occasion de l’exposition. Les vénérations dans le cadre domestique ferment le parcours, avec deux petits chefs-d’œuvre du Louvre : les bustes en bronze d’Auguste et de Livie, retrouvés dans l’Allier.

Avec cette exposition, le musée nîmois s’attaque à un sujet passionnant et ambitieux scientifiquement. Le parcours aurait toutefois nécessité une bonne idée scénographique pour poser les jalons du contexte religieux et politique de manière plus fluide. L’abondance d’objets – essentiellement lapidaires – peut submerger le visiteur, et détourne même parfois l’exposition de son propos initial. Un mystérieux disque de marbre venu du Louvre, représentant douze divinités associées aux douze signes du zodiaque, vient ainsi évoquer l’importance de l’astrologie pour les Romains. Une petite digression non essentielle, qui permet toutefois de montrer une belle pièce du musée parisien.

Le parcours souffre aussi de son organisation binaire, qui comporte des redites, sur les rituels ou la dévotion privée par exemple, et qui n’affirme pas assez la portée plus politique que religieuse du sujet de l’exposition. Souvent décriée, l’utilisation du numérique, sous la forme de jeu, projection ou réalité virtuelle, crée ici une vraie respiration entre les cimaises très architecturées du parcours, immergeant le visiteur dans l’Augusteum reconstitué ou dans l’évocation d’un sacrifice rituel. En sortant du musée, le visiteur aura le sentiment que l’exposition se poursuit dans les rues de Nîmes, où elle prend vie devant la Maison carrée ou sur les traces de l’Augusteum disparu.

L’Empereur romain, un mortel parmi les dieux,
jusqu’au 19 septembre, Musée de la romanité, 16, boulevard des Arènes, 30000 Nîmes.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°571 du 9 juillet 2021, avec le titre suivant : Nîmes analyse le culte impérial romain

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