Archéologie

La première guerre préhistorique n’en était pas une

Par Marion Pedram · lejournaldesarts.fr

Le 31 mai 2021 - 425 mots

JEBEL SAHABA / SOUDAN

L’analyse des squelettes du cimetière de Jebel Sahaba (actuel Soudan) évoque plutôt des « épisodes violents ».

Squelette de femme préhistorique. © Glenn McIntosh, 2016, CC BY-SA 4.0
Squelette de femme préhistorique.
Photo Glenn McIntosh, 2016

Le cimetière préhistorique de Jebel Sahaba dans la vallée du Nil au Soudan est le témoignage d’un passé violent. Il était, dans la communauté scientifique, jusqu’alors considéré comme l’une des premières guerres de la préhistoire (vers 13 000 av. J.-C.). Or, de récentes études menées par le CNRS et l’université de Toulouse Jean-Jaurès, publiées le 27 mai dernier dans la revue Scientific Reports infirment cette version. 

Les restes humains ont été réanalysés par des chercheurs, qui ont en parallèle ré-évalué le contexte archéologique dans lequel ils avaient initialement été découverts. Les scientifiques en ont ainsi déduit qu’au lieu d’une guerre entre clans rivaux, la présence des squelettes dans le cimetière de Jebel Sahaba était plutôt due à une succession d’« épisodes violents ». 

Ces violences auraient été exacerbées par le réchauffement climatique qui, en modifiant les conditions de vie et d’alimentation des peuples de l’époque, les auraient poussés à se disputer les territoires habitables et ressources en nourriture, devenus plus rares. C’est cette compétition pour l’accès aux ressources qui est aujourd’hui la version vers laquelle penchent les chercheurs, plus probable qu’un conflit de grande ampleur comme une guerre organisée.

L’explication de la lutte armée, bien que sujette à débat, avait été avancée au vu de l’état de la soixantaine de squelettes retrouvés : les ossements portaient des traces d’impact d’objets contendants et des éclats de projectiles ont été découverts à côté des corps voire à l’intérieur de leurs os. 

Or, la nouvelle analyse des ossements au microscope a permis d’identifier des cicatrisations de temporalités différentes, suggérant des blessures réalisées non pas au cours d’un conflit unique, mais à l’échelle de la vie de l’individu. Plus encore, le type d’armes utilisées, en majorité des lances et des flèches, poussent les chercheurs à privilégier la piste d’embuscades successives, ayant eu pour but de tenter de s’approprier le territoire et ses ressources. Selon eux, cette partie de la vallée du Nil constituerait ainsi une « zone-refuge » pour les populations affectées par le changement climatique (passage de la période glaciaire à la période humide africaine).

Les ossements sont conservés au British Museum de Londres, qui les a mis à disposition des scientifiques du CNRS et de l’université de Toulouse Jean-Jaurès pour des analyses supplémentaires. Les recherches ont été menées de 2013 à 2019 par une équipe d’archéologues, anthropologues, préhistoriens et géochimistes. Découvert dans les années 1960, le site de Jebel Sahaba date d’il y a plus de 13 000 ans. Il ne reste aujourd’hui plus rien du site originel, englouti par le lac Assouan.

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