GENTILLY
La municipalité de Gentilly ouvre sa Maison Robert Doisneau, "ni mausolée ni musée", lieu d’hommage au célèbre photographe, natif de cette très limitrophe banlieue. Dans une proche affinité avec l’esprit de Doisneau et loin d’une sacralisation tapageuse, elle s’oriente d’emblée vers une éthique courageuse et juste : cultiver l’humanisme que le "maître" des lieux a illustré avec tant de réserve et de sensibilité.
GENTILLY - Bonne idée que de quitter la célébration et la starification, modes médiatiques très en vogue, et d’opter pour le naturel et la vérité : Doisneau était l’un des excellents représentants de l’humanisme photographique qui a surtout marqué l’après-guerre, mais qui remonte, à travers des attitudes sociales, au début du siècle.
Doisneau s’inscrit ainsi, en homme de cœur, dans un contexte et dans une perspective dont son image ne peut que profiter. Ceci lui redonnera aussi sa gravité et sa mélancolie, toujours perceptibles derrière la malice ou la drôlerie retenue. Plutôt que de laisser croire qu’il a tout inventé, mieux vaut montrer d’où il vient, et quelles graines il cultive avec patience.
La condition humaine vue par la photo
L’exposition "Est-ce ainsi que les hommes vivent...", conduite par Annie Laure Wanaverbecq, a aussi le grand mérite de resserrer le trop vaste sujet de l’humanisme, tout en apportant des compléments méconnus, notamment sur la photographie hongroise (des années trente) et italienne (des années quarante et cinquante). L’espace réduit – mais vraisemblablement suffisant pour ce type de manifestation – de la Maison Doisneau, oblige à simplifier, et c’est tant mieux ; ce n’est pas la perspective des chefs-d’œuvre qui guide le choix, mais le cheminement dans un thème difficile : en quoi la photographie aide-t-elle à une conscience de la condition des hommes ? Doisneau prend sa place aux côtés de Lewis Hine, Werner Bischof ou Eugene Smith, et il aurait sans aucun doute approuvé ce voisinage.
Après les excès de certaine manifestation intempestive de cet hiver, Doisneau apprécierait de retrouver ses aises dans ses quartiers. Au moment où s’ouvre à Paris une autre Maison consacrée à la photographie, on ne peut qu’encourager la municipalité de Gentilly à garder ce cap de sérieux qui sied bien à Doisneau et lui redonne sa place dans une société où chaque jour du Bon Dieu n’est pas nécessairement un gag.
Autre bon augure : le travail effectué trouve avec justice son épilogue dans un livre paru chez Marval, sous le même titre que l’exposition, où les Karoly Escher, Klara Langer, Marton Munkacsi, Imre Kinszki, encore peu connus du public, réintègrent cette grande famille de la photo à laquelle ils appartiennent de plein droit depuis les années trente. La même collection "Pour Mémoire", chez Marval, propose un travail trop vite oublié de Lucien Clergue, Les Gitans (qui datent des années cinquante), une résurrection sympathique.
EST-CE AINSI QUE LES HOMMES VIVENT… ; HUMANISME ET PHOTOGRAPHIE, jusqu’au 25 mai, Maison Robert Doisneau, 1, rue de la Division du Gal Leclerc, 94250 Gentilly, tél. 47 40 88 33, ouverture : mercredi et vendredi, de 12h à 19h ; sam. et dim. de 14h à 19h. Catalogue, Éditions Marval, 72 p., 120 F.
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La Maison du Bon Doisneau
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°24 du 1 avril 1996, avec le titre suivant : La Maison du Bon Doisneau