La cour administrative d’appel considère que l’État a de facto exclu la corrida de sa liste du patrimoine immatériel.
PARIS - La justice vient de mettre un terme officiel à une étonnante procédure qui avait permis en 2011 l’inscription de la tauromachie au patrimoine culturel immatériel de la France, sans que cette inscription ne fût jamais juridiquement confortée. À la suite de la sollicitation de l’Observatoire national des cultures taurines, créé en 2008 à Arles (Bouches-du-Rhône), le ministère de la Culture avait donc procédé sans tambour ni trompette à une telle inscription qui, à ce stade, n’accordait aucune protection juridique et ne modifiait nullement la législation en vigueur.
Deux associations, « Comité radicalement anti-corrida Europe » et « Droit des animaux » avaient alors contesté l’inscription de la tauromachie, quand bien même celle-ci ne constituait en rien une forme de reconnaissance de la part de l’État, ni de promotion ou de mise en valeur particulière. Face au silence de l’administration, un rejet implicite de leur demande leur fut opposé, rejet contesté devant le tribunal administratif de Paris, le 3 avril 2013, qui rejetait une nouvelle fois les demandes formulées.
La cour administrative d’appel de Paris a, quant à elle, considéré le 1er juin 2015 que l’inscription de la tauromachie sur cette liste « doit être regardée comme ayant été abrogée ». En effet, si la décision d’inscription s’était à l’époque matérialisée par la mise en ligne sur le site internet du ministère d’une fiche technique « d’inventaire du patrimoine immatériel » dédiée à la corrida, confirmée par plusieurs réponses ministérielles du 6 septembre 2013, le fait que désormais la tauromachie ne se trouve plus sur le site du ministère, ni sur la liste des pratiques sportives inventoriées imposait une telle décision.
La clarification est d’importance, quand bien même l’Observatoire national des cultures taurines a annoncé avoir formé un recours devant le Conseil d’État à l’encontre de la présente décision.
La position ambiguë de Frédéric Mitterrand
Plus surprenant cependant, certains rappellent les propos tenus par l’ancien ministre de la Culture, Frédéric Mitterand, qui, dans son ouvrage La récréation, énonçait son opposition frontale à une telle inscription. Pourtant, l’ancien ministre n’a jamais marqué publiquement une telle opposition mais a, au contraire, toujours soutenu la position du ministère à ce sujet, notamment par les réponses apportées aux députés. Ainsi, Frédéric Mitterrand énonçait-il explicitement que l’inscription « ne vise qu’à constater, sur la base de critères ethnologiques, l’existence de pratiques tauromachiques sur plusieurs parties du territoire français, et ne saurait en rien constituer, de la part de l’État, une forme particulière de reconnaissance de quelque forme que ce soit à l’égard de ces pratiques ». Ainsi, cette inscription « ne constitue pas la première étape d’une procédure d’inscription au patrimoine culturel de l’humanité ». Mais au regard d’un certain nombre d’éléments développés, « il n’est pas envisageable de revenir sur l’inscription telle qu’elle a été prononcée ».
Quelle que soit la solution que le Conseil d’État sera amené à prendre, cette procédure n’aura aucun impact sur le régime juridique dérogatoire applicable à la corrida en France.
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La corrida sort du patrimoine culturel
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°438 du 19 juin 2015, avec le titre suivant : La corrida sort du patrimoine culturel