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Illiers-Combray retrouve son musée Proust

Par Isabelle Manca-Kunert · Le Journal des Arts

Le 9 juin 2024 - 769 mots

Après deux ans de fermeture pour des travaux de rénovation, la maison de Tante Léonie - Musée Marcel Proust rouvre ses portes.

Maison de Tante Léonie – Musée Marcel Proust. © Société des Amis de Marcel Proust.
Maison de Tante Léonie – Musée Marcel Proust.
© Société des Amis de Marcel Proust.

Eure-et-Loir. En débarquant du train qui relie Illiers-Combray à Chartres, impossible de passer à côté de la figure tutélaire de la petite commune d’un peu plus de 3 000 âmes. Une plaque floquée de son portrait inimitable rappelle en effet aux voyageurs qu’ils pénètrent dans « Le Combray de Proust ». L’écrasante majorité des voyageurs le sait bien et a d’ailleurs organisé sa venue pour cette raison. Il faut dire que hormis quelques ruelles du centre ancien qui ne manquent pas de charme, notamment la belle église Saint-Jacques au décor original, la bourgade d’Eure-et-Loir possède peu de centres d’intérêt touristique. À l’exception de son emplacement sur la Véloscénie, l’itinéraire cyclable menant de Paris au Mont-Saint-Michel et d’une maison bourgeoise du XIXe siècle de l’extérieur pourtant sans charme particulier. Cette demeure a toutefois eu l’heur d’héberger un des plus grands écrivains français et même d’être un personnage à part entière de À la recherche du temps perdu. En retrait de l’hypercentre subsiste par ailleurs le Pré-Catelan, un jardin romantique, aménagé à la manière des Buttes-Chaumont par Jules Amiot, « l’oncle horticulteur et cuisinier » que mentionne le jeune Marcel dans le roman fleuve qui lui vaudra le Prix Goncourt en 1919. Ces sites font logiquement de la cité un lieu de pèlerinage très couru par les proustiens du monde entier. Il n’est ainsi par rare de croiser, mêlés aux cyclistes faisant une halte dans la commune, des fans venus des États-Unis et d’Asie dans ce petit coin perdu au milieu de la Beauce. « Avant les travaux, le musée frôlait les 10000 visiteurs, confirme Jérôme Bastianelli, président de la Société des amis de Marcel Proust. Nous visons désormais les 13 000. » La Ville mise logiquement sur ce précieux héritage pour doper son tourisme ; et cela ne date pas d’hier. En 1971, elle a entrepris une démarche inédite : fusionner son nom avec son double de papier, la commune de Combray dépeint par Proust dans ses romans. Illiers est ainsi officiellement devenue Illiers-Combray à l’occasion du centenaire de la naissance de l’écrivain ; un cas unique en France.

Un site restauré et agrandi

Le statut du Musée Proust est lui aussi unique en son genre puisqu’il est à la fois classé « Monument historique », labellisé « Maisons des illustres » et « Maison d’écrivain » et « Musée de France ». Une situation sans précédent pour un musée associatif. Le bâtiment a en effet été légué à la Société des amis par Germaine Amiot, la petite-fille de Jules et Élisabeth. Élisabeth que les lecteurs connaissent mieux sous son avatar fictionnel : la tante Léonie. C’est en hommage à ce personnage central Du côté de chez Swann, celle qui fait notamment goûter au narrateur la célébrissime madeleine, que la demeure a été rebaptisée Maison de la tante Léonie lors de son ouverture au public en 1954. Rachetée à l’époque par Germaine, l’habitation du XIXe siècle avait été réaménagée grâce aux dons et legs de membres de la famille et de proches du romancier, notamment le mobilier de Suzy Mante-Proust et d’Odile Gévaudan-Albaret, la fille de Céleste, la fameuse gouvernante de l’écrivain. Le site qui peut s’enorgueillir d’être le seul lieu de mémoire bien préservé de l’univers proustien s’est ainsi progressivement enrichi en objets, œuvres et pièces de mobiliers, donnés, légués ou acquis par les Amis. Le bâti lui avait été moins choyé et n’avait pas bénéficié de travaux d’envergure et s’était donc dégradé au fil des ans. « La rénovation de la maison était une nécessité absolue, confie Anne Imbert, chargée de conservation. Les décors, mais aussi la structure étaient menacés par des problèmes chroniques d’humidité. L’objectif des travaux était d’améliorer l’étanchéité, de consolider le bâti et de mettre le bâtiment aux normes pour les publics à mobilité réduite. » Ce chantier d’un montant de 4 millions d’euros, financé en grande partie par le conseil départemental et le Loto du Patrimoine, a également permis de redécouvrir des décors anciens dissimulés sous des papiers peints modernes. Le musée a aussi eu l’heureuse opportunité d’annexer la maison mitoyenne qui, elle, n’est pas protégée et sans intérêt patrimonial. Cette extension a permis de gagner de précieux mètres carrés permettant d’installer un ascenseur et de déployer les collections enrichies au fil des ans, illustrant le monde artistique de Proust. Le nouveau parcours présente ainsi les artistes qu’il a côtoyés, les œuvres qui ont influencé ses romans, mais aussi des objets lui ayant appartenu. Grâce à un dépôt longue durée du Musée d’Orsay, les visiteurs peuvent ainsi admirer Trois femmes dans un parc d’Helleu qui ornait jadis les murs de l’appartement de l’écrivain.

Maison de Tante Léonie – Musée Marcel Proust,
28120 Illiers-Combray, www.amisdeproust.fr

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°635 du 7 juin 2024, avec le titre suivant : Illiers-Combray retrouve son musée Proust

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