LA TRONCHE
Le musée départemental de l’Isère consacré au peintre Ernest Hébert (1817-1908) a rouvert ses portes au public. Une nouvelle muséographie met en valeur l’œuvre du Grand Prix de Rome.
LA TRONCHE-GRENOBLE - Figure emblématique de l’art dit « académique », portraitiste mondain du Second Empire, Ernest Hébert (1817-1908) remporte le Grand Prix de Rome de peinture historique en 1839, récompense prestigieuse qui lui ouvre les portes de l’Académie de France à Rome. Après une carrière exemplaire (lire l’encadré), il s’éteint en 1908 dans sa demeure de La Tronche (à 2 km de Grenoble), un édifice XVIIe siècle transformé en musée privé depuis 1935. Entièrement dédié à la vie et à l’œuvre du peintre, le musée (devenu départemental en 1973) ne compte pas moins de 2 000 pièces, huiles sur toile, dessins, sculptures, objets décoratifs, livres, photographies, meubles et vaisselle. Après deux années de travaux, pour un coût de 1,5 million d’euros, il rouvre ses portes avec une nouvelle muséographie, une salle d’accueil (installée dans l’ancienne Orangerie) et une boutique. La partie restituée de la « maison Hébert », qui jusqu’à présent ne se visitait que sur rendez-vous, a également été rénovée et rendue libre d’accès. « Nous voulions conserver l’aspect d’une demeure familiale transformée en musée, tout en élaborant un circuit facile à appréhender, à la fois chronologique et thématique, explique la directrice du musée Laurence Huault-Nesme. Il s’agit, en outre, de donner une vision plus large du XIXe siècle, avec des passerelles entre Hébert, son époque et tous les artistes qu’il a côtoyés. » Le parcours débute avec les années de formation du peintre, de ses débuts à l’École des beaux-arts de Paris à ses cours dans l’atelier du sculpteur David d’Angers, puis dans celui de Paul Delaroche. Lors de son séjour à la villa Médicis, à Rome (1840-1845), il réalise des œuvres de facture très classique, ainsi Un esclave médite sur le tombeau d’un citoyen (1841), son premier envoi depuis la Ville Éternelle, mais aussi de petits paysages de plein air à l’image de Vue de Rome. Une salle entière est ensuite consacrée à cette Italie qu’il chérissait tant et dont il a immortalisé la lumière de la campagne ou la misère des marais Pontains (La Mal’aria, 1848-1849). Aux œuvres italiennes succèdent les toiles de Salon, tel Le Baiser de Judas (1853), puis les portraits qui firent sa renommée. Si les plus beaux se trouvent au Musée Hébert de Paris (avec lequel l’institution collabore régulièrement), le musée isérois en possède quelques remarquables exemplaires : le Portrait de Mme Calonne (1852) ou celui de La Comtesse Carl Costa de Beauregard. Ces tableaux témoignent de l’évolution du style du peintre qui emprunte d’abord au réalisme avant de s’orienter vers le symbolisme. La grande galerie lumineuse du rez-de-chaussée présente, quant à elle, les paysages réalisés par Hébert (notamment Les Travailleurs de la mer) confrontés à ceux qu’il collectionnait, et signés Anastassi, Achard ou Thuillier, des paysagistes contemporains de la région… À long terme, Laurence Huault-Nesme souhaiterait transformer cette partie du musée en lieu d’exposition temporaire.
Des fresques du XVIIe siècle mises au jour
Grâce aux archives et photographies d’époque, l’atelier d’Hébert, installé au premier étage, a pu être reconstitué. Les grandes études pour Le Christ de l’abside du Panthéon (1880) et pour Jeanne d’Arc (1882) se déploient au milieu de meubles italiens, chevalets, matériaux du peintre. Dans des vitrines sont réunis les ustensiles et costumes dont l’artiste parait ses modèles. Ainsi d’une étole en soie blanche brodée utilisée pour La Vierge de la délivrance (1872), tableau dont est exposée une copie de taille réduite. Sur ce principe de « maison d’artiste », le visiteur découvre ensuite la salle à manger, le salon (comprenant nombre de portraits familiaux peints ou sculptés par des artistes tel Carpeaux), la chambre de l’artiste avec le miroir qui lui permit d’exécuter son Autoportrait peint à 17 ans (1834)… L’ancienne chambre de sa mère a été transformée en cabinet d’art graphique – dessins, gouaches et aquarelles y sont exposés par rotation –, tandis que la galerie du premier étage abrite la collection de faïences italiennes. D’autres pièces de la maison dévoilent des fresques du XVIIe siècle, mises au jour pendant les travaux. Cachés derrière les boiseries, ces décors évoquent l’histoire du domaine de la famille Hébert, qui comprend aussi un jardin de plaisance, un jardin fruitier, un bassin en terrasse et abrite, depuis le début du siècle, le tombeau d’Ernest. Le jardin avait d’ailleurs fait l’objet de travaux de rénovation en 1999. Prochainement, ce sera au tour des salles d’expositions temporaires. Il ne manquera alors plus au musée que des réserves dignes de ce nom, une entreprise coûteuse et sans réelles retombées médiatiques, mais non moins indispensable...
Chemin Hébert, 38700 La Tronche-Grenoble, tél. 04 76 42 97 35, tlj sauf mardi 10h-18h et 19h le dimanche. Catalogue, Ernest Hébert 1817-1908. Entre romantisme et symbolisme, éditions Conseil général d’Isère, 136 p., 45 euros.
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Hébert comme à la maison
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Abonnez-vous dès 1 €1839 Prix de Rome de peinture historique avec La Coupe de Joseph
1840-1845 Pensionnaire à l’Académie de France à Rome. 1850 Premier succès au Salon avec La Mal’aria.
1853 Le Baiser de Judas lui vaut la Légion d’honneur.
1867-1873 Directeur de l’Académie de France.
1882 Professeur à l’École des beaux-arts.
1885-1891 Directeur de l’Académie de France.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°184 du 9 janvier 2004, avec le titre suivant : Hébert comme à la maison