Art moderne

Réouverture

En attendant Camille

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 12 avril 2011 - 702 mots

Le petit musée de Nogent-sur-Seine vient d’être rénové de manière très convaincante. Un grand projet est pourtant déjà lancé.

NOGENT-SUR-SEINE - Les amateurs de sculpture apprécieront ce petit musée dédié à un trio d’artistes liés de près ou de loin à la ville de Nogent-sur-Seine (Aube) : Paul Dubois (1829-1905) et Alfred Boucher (1850-1934), tous deux nogentais, mais aussi Camille Claudel (1864-1943), qui fit un bref passage dans la bourgade champenoise où elle a rencontré Boucher, son premier mentor. C’est lui qui a introduit, plus tard, la jeune femme auprès de Rodin. Ouvert en 1902 grâce à la volonté de Dubois et Boucher, deux artistes alors au fait de leur gloire, l’établissement est longtemps resté très confidentiel. Victime, sans doute, du discrédit jeté sur la sculpture académique de la IIIe République dont Dubois et Boucher avaient été d’excellents représentants. Mais dans les années 1980, alors que le Musée d’Orsay venait de remettre en avant cette période mal aimée, la municipalité de Nogent a accepté de parier à nouveau sur son musée, relançant notamment les acquisitions. En 1995, une nouvelle galerie a été aménagée, à proximité du musée, pour accueillir la collection de plâtres monumentaux. C’est là qu’a pris place, en 2008, le grand marbre de Camille Claudel, Persée et la Gorgone, œuvre d’intérêt patrimonial majeur acquise grâce au concours d’une vingtaine de mécènes. Il n’en fallait pas moins pour permettre à cette ville de 6 000 habitants d’acheter une sculpture à plus d’un million d’euros. 

Élus ambitieux
Fermé pendant une année, le Musée Paul Dubois-Alfred Boucher, logé dans une maison de maître de la ville, a rouvert ses portes le 9 avril. Les lourds travaux de rénovation – les planchers fléchissaient sous le poids des sculptures – et de mise aux normes ont été l’occasion de revoir intégralement le propos scientifique et la muséographie des salles. Les trois niveaux ont fait l’objet d’un accrochage plus rigoureux et d’une réorganisation thématique. Accrochée sur des murs rouge pompéien, la petite collection de peinture met en valeur quelques paysagistes locaux ainsi qu’un très bref fonds ancien, provenant de la collection personnelle de Boucher et complété par des achats récents. Dans une ambiance intimiste produite par l’éclairage et les cimaises bleu nuit, les salles de sculpture présentent un intérêt plus significatif. Yves Bourel, le conservateur des lieux, a en effet orienté sa réflexion sur la pratique de la sculpture au XIXe siècle et sur quelques thèmes de prédilection de Dubois et Boucher : le portrait, la figure féminine, mais aussi, en ce qui concerne Boucher, la représentation du réel. Excellent technicien – il pratiquait la taille directe –, celui qui avait été surnommé le « Millet de la sculpture » a laissé un ensemble remarquable sur le thème des travailleurs. Les œuvres de sa protégée, Camille Claudel, occupent désormais une salle à part entière. Fruit d’achats récents, cette quinzaine de pièces est ici présentée de manière à démythifier l’histoire personnelle de Claudel pour mettre en avant sa production artistique en l’inscrivant dans l’art de son temps. C’est aussi le propos que voudrait développer Yves Bourel dans le futur musée. Car les élus ne veulent pas s’arrêter là. Un projet vise en effet à installer le musée dans l’ancienne maison familiale des Claudel – ceux-ci n’y ont vécu en réalité que trois ans !  Estimé à 10 millions d’euros, le projet a été conçu sous la forme d’un partenariat public-privé, pour une ouverture prévue en 2014.

Des dépôts de grands musées parisiens, notamment du Musée Rodin (car le musée de Nogent ne possède aucune œuvre du sculpteur), seraient en cours de négociation, alors que la question de la dénomination du futur musée crée déjà une polémique locale. Sur place, tout le monde milite pour un grand « musée Camille-Claudel », même si les collections restent principalement dédiées à la sculpture de la IIIe République. Mais rien ne semble aujourd’hui trop beau pour les élus nogentais, manifestement soucieux de convertir la manne financière de la centrale nucléaire, construite dans les années 1980 à la sortie de la ville, en un équipement culturel flambant neuf, vecteur très hypothétique d’une nouvelle attractivité. 

MUSÉE DUBOIS-BOUCHER

Nombre d’œuvres exposées : 135

Superficie : 450 m²

Coût des travaux : 300 000 euros

MUSÉE PAUL DUBOIS-ALFRED BOUCHER

Rue Gué-de-la-Loge, 10400 Nogent-sur-Seine, tél. 03 25 39 71 79, du mercredi au dimanche 14h-18h.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°345 du 15 avril 2011, avec le titre suivant : En attendant Camille

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