Art moderne

XIXE SIÈCLE

Nogent se souvient d’Alfred Boucher

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 27 juin 2024 - 687 mots

Une évocation de l’atelier du sculpteur à La Ruche permet de mieux cerner ce philanthrope qui a été le maître de Camille Claudel.

 Vue de l'exposition Alfred Boucher, de l'atelier au musée au Musée Camille Claudel. © Frédéric Lopez
Vue de l'exposition « Alfred Boucher, de l'atelier au musée » au Musée Camille Claudel.
© Frédéric Lopez

Nogent-sur-Seine. En 1902, Alfred Boucher (1850-1934) jouit d’une gloire couronnée par le Grand Prix de sculpture qui lui a été décerné à l’Exposition universelle de 1900. Doté d’un revenu confortable, cet artiste humaniste décide de partager avec ses concitoyens ce que la vie lui a accordé. Fils d’ouvrier agricole de l’Aube, il a pu s’engager dans la carrière grâce aux sculpteurs Joseph Marius Ramus (1805-1888) et Paul Dubois (1829-1905) qui, à Nogent-sur-Seine, l’ont encouragé et lui ont permis d’obtenir une bourse pour entrer à l’école des Beaux-Arts de Paris. Boucher marque sa reconnaissance à cette ville dans laquelle il a grandi en y créant, en 1902, le Musée Dubois-Boucher auquel il donne son fonds d’atelier et une partie de ses collections personnelles. La même année, il crée à Paris La Ruche, un phalanstère d’artistes en devenir. Il la finance, en fixe les règles et offre les séances des modèles.

Le Musée de Nogent prospère jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, enrichi au cours des années par des dons d’autres artistes, celui accordé par Élise, l’épouse de Boucher, de sa collection de céramiques, ou encore celui, très conséquent, de la Manufacture de Sèvres. Mais, pendant la guerre, il est vandalisé et pillé tandis que les bronzes du sculpteur qui se trouvaient dans l’espace public français sont en presque totalité fondus pour en récupérer le métal. Le musée se relèvera lentement. En 2003, le succès d’une exposition « Camille Claudel » (qui avait vécu à Nogent et été l’élève de Boucher) fait naître l’idée de placer celle-ci au centre du parcours. Après des acquisitions et d’importants travaux dans l’ancienne maison des Claudel achetée à cet effet, le musée rouvre en 2017. Les sculptures de Boucher, comme celles de Dubois et des autres artistes exposés jusqu’alors, servent désormais de préambule aux salles consacrées à la sculptrice. Pourtant, Cécile Bertran, directrice du lieu, n’oublie pas son fondateur. Elle a fait nettoyer et, si besoin, restaurer plus de 130 œuvres du don Boucher qui ne sont pas habituellement accessibles au public. Avec la commissaire scientifique, Pauline Fleury, elle met ces objets à contribution pour une évocation de l’atelier du sculpteur à La Ruche, que l’on connaît par des photographies. Boucher était peintre à ses heures, mais il n’a donné aucun tableau de sa main au musée. En revanche, ceux de sa collection sont présentés comme à La Ruche : accrochés bord à bord ou posés sur le sol, les dessins rassemblés par genre et, sur des sellettes, des sculptures du maître. Cette reconstitution fonctionne à merveille.

Vue de l'exposition Alfred Boucher, de l'atelier au musée au Musée Camille Claudel. © Frédéric Lopez
Vue de l'exposition « Alfred Boucher, de l'atelier au musée » au Musée Camille Claudel.
© Frédéric Lopez

La collection d’œuvres plutôt mineures, le plus souvent non datées, est assez éclectique, allant de l’art ancien jusqu’aux contemporains français et étrangers. Dans ce domaine, il semble que les échanges ou les acquisitions auprès de connaissances soient nombreux : il s’agit alors davantage de sociabilité que de choix artistiques. Le goût du sculpteur est clairement académique, avec une préférence probable pour le paysage. Le Moulin de Meindert Hobbema côtoie ainsi Paysage après l’orage d’Alexandre René Véron, un peintre de l’école de Barbizon. D’après les photos de l’atelier, Boucher appréciait l’art du XVIIIe siècle, ce que confirme Tête de vieillard de Noël Hallé. La Fillette et nature morte (sans date) de Norbert Goeneutte, Paysanne de dos de Gustaf Olaf Cedeström, un Suédois passé par l’atelier de Léon Bonnat, et une étude non datée à la pierre noire d’Évariste-Vital Luminais pourraient être des cadeaux ou des échanges.

Les plâtres de la Nymphe à la coquille (1893) ou de la Charité ou l’amour maternel (1897) sont représentatifs de l’art très classique de Boucher. Mais il avait également une veine naturaliste que l’on trouve dans le grand plâtre (2 x 3 m) d’Au but (vers 1886) prêté par le Musée de Troyes et restauré pour l’occasion. Un exemplaire en bronze de cette sculpture montrant trois coureurs à pied trônait au jardin du Luxembourg, à Paris, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Le Musée Camille Claudel a lancé une souscription pour qu’une nouvelle fonte soit réalisée et orne un jardin public de Nogent.

Alfred Boucher, de l’atelier au musée,
jusqu’au 28 juillet, Musée Camille Claudel, 10 rue Gustave-Flaubert, 10400 Nogent-sur-Seine.
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°636 du 21 juin 2024, avec le titre suivant : Nogent se souvient d’Alfred Boucher

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