GENÈVE (SUISSE) [25.12.16] - Le décès du collectionneur a été annoncé par sa famille et le musée qu’il a fondé avec son épouse Monique dans leur ville de Genève.
Doté d’une culture universelle et d’une curiosité insatiable, il était l’un des plus grands amateurs européens des cultures du monde. Jean Paul Barbier-Mueller s’est éteint à Genève le 22 décembre, à l’âge de 86 ans.
« Il a animé le marché pendant un demi-siècle », souligne le commissaire-priseur Jean-Claude Binoche, qui a alimenté sa collection. Pour l’expert Jacques Blazy, qui fut son élève et en est resté très proche, « un esprit est mort », un des derniers représentants de la génération des Nelson Rockefeller, Elena Rubinstein et Dora Janssen, avec lesquels il s’était lié. « C’était un chasseur, qui avait le regard absolu. » « Ce qui m’a frappé chez lui était sa connaissance très pointue de tous les sujets, mais aussi son humanisme, son émerveillement, la justesse de sa perception devant l’évidence de la beauté », confie Marguerite de Sabran, directrice du département Afrique et Océanie chez Sotheby’s.
Fils unique d’un couple désuni de musiciens, le jeune Jean Paul Barbier trouvait refuge dans les livres. Très tôt il a collectionné, des tanagras ou des lampes étrusques, qui ont succédé aux silex de son enfance. Avocat de formation, il est devenu financier, avant que sa vie ne bascule avec la rencontre de sa future épouse Monique et de son père Joseph Mueller (1887-1977), dont il allait reprendre le patronyme.
À vingt ans, ayant fait la connaissance d’Ambroise Vollard, ce dernier avait entrepris de collectionner des Cézanne, Picasso ou Max Ernst avant de s’orienter vers les créations du tiers-monde. À sa mort, il laissait un millier de peintures et 2 500 objets. Il était tout le contraire de son gendre : cultivant le secret, il ne prêtait jamais une œuvre. Les Barbier-Mueller ont tout fait pour divulguer leur collection, ouvrant en 1977 un musée à Genève dont Jean Paul préparait encore le 40e anniversaire, éditant une centaine d’ouvrages, prêtant les œuvres de New York à Toulouse, en cédant plus de 1 200 qui se trouvent aujourd’hui au quai Branly, dont le président, Stéphane Martin, est devenu un ami.
Il a compté parmi ses trésors une tête en bronze du Bénin, une autre en céramique ifé, des masques superbes comme celui en écaille du détroit de Torres, un kwélé, provenant de Tristan Tzara, un autre de l’île Mabuiag, des masques lorr océaniens, formés sur un crâne, mais aussi bien des armures japonaises.
Déjà affaibli, il a été meurtri de l’échec de la cession à Barcelone de sa collection pré-colombienne destinée à un musée. Ce couple voyageur, portant un intérêt particulier aux régions isolées et aux ethnies menacées, a aussi aidé des recherches ethnologiques, des fondations ou le musée de la Réforme. Bibliophile, Jean Paul Barbier-Mueller était un amateur de littérature de la Renaissance italienne, de la Pléiade et de la poésie calviniste. Il pouvait réciter des vers chrétiens de Simon Goulart et Jean Poupo ou du Miroir du monde de Joseph du Chesne aussi bien que de la culture chupicurao.
Entouré des œuvres dont un haut de sceptre ifé en bronze du XIIe s. figurant un cavalier, il avait tenu à terminer son dictionnaire des poètes français de la seconde moitié du XVIIe siècle, qui a été primé par l’Académie française.
Cet amoureux des mots s’indignait de la sottise de l’expression des « arts premiers ». Il était également farouchement hostile à la restitution des sculptures aux pays d’origine, qui lui semblait le plus sûr moyen de les voir disparaître. Cette réputation lui a coûté. La dispersion à Paris en 2012 de sa collection pré-colombienne a été minée par une campagne très injuste initiée par le Mexique et le Pérou aux États-Unis, alors même que toutes les précautions avaient été prises par Sotheby’s pour s’assurer de l’ancienneté des provenances.
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Disparition de Jean Paul Barbier-Mueller
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Abonnez-vous dès 1 €Jean-Paul Barbier-Mueller © Photo Luis Lourenço