Selon Francisco Calvo Serraller, ancien directeur du Musée du Prado, l’art contemporain, en sommeil sous le franquisme, a massivement bénéficié de l’enthousiasme qui a marqué ces quinze dernières années, malgré les polémiques qui entourent le Centro de Arte Reina SofÁa. En revanche, le Prado lui semble être victime de calculs politiciens.
En quinze ans, Madrid s’est imposée sur la scène internationale de l’art contemporain. Plusieurs expositions sur l’art du XXe siècle, organisées tout d’abord par des organismes privés comme la Fondation Juan March, puis par des institutions du secteur public, ont connu un succès considérable. Bien d’autres initiatives ont encore marqué ces dernières années, dues notamment au Círculo de Bellas Artes et aux fondations La Caixa, Mapfre-Vida, Amigos del Museo del Prado, Bilbao-Vizcaya et Central-Hispana.
Cependant, de nombreux conflits ont éclaté autour du Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, dont on peut scinder la jeune et turbulente histoire en deux époques. À ses débuts, de 1985 à 1990, le Centre a présenté une série d’expositions d’art du XXe siècle, sous la direction de Carmen Giménez, démissionnaire en 1989 et actuellement conservateur au Guggenheim Museum de New York. Puis, de 1990 à aujourd’hui, alors que l’institution obtenait le statut de musée national, une série de conflits et de polémiques ont surgi, et le musée a connu un défilé de nouveaux directeurs à sa tête – Thomas Llorens, María Corral et José Guirao. Mais surtout, des critiques se sont élevées à propos des sommes considérables affectées à la transformation du bâtiment : après une première rénovation achevée en 1985, le coût officiel de la seconde atteignait en effet 10 milliards de pesetas (environ 400 millions de francs), alors que le musée ne détenait encore aucune collection significative. De plus, alors qu’il se heurtait à des difficultés financières croissantes, son taux de fréquentation a commencé à baisser. Ce qui a conduit le ministre des Arts, Solé Tura, à y transférer Guernica, à la grande fureur du Prado. Cette politique s’est malheureusement poursuivie, et d’autres œuvres ont été "réquisitionnées", certaines très récemment encore.
Autre exemple d’inconséquence, le Musée du Prado. Depuis que Xavier de Salas a pris sa retraite en 1978, six directeurs se sont succédés à sa tête. En vingt ans, le musée a eu en moyenne un nouveau directeur tous les trois ans. Malgré des âges, des personnalités et des parcours très différents, tous les six partagent un point commun : la frustration. Et cela parce que la plupart des responsables politiques se sont intéressés au Prado uniquement en fonction de ce qui s’écrivait dans la presse, sans jamais prendre en compte les problèmes fondamentaux.
Le concours international pour l’extension du musée, lancé en 1995, a surpris les architectes par son caractère évasif (lire notre article p. 42). Il est également significatif que, devant le tollé suscité en Espagne et à l’étranger par la situation du musée, certains aient essayé de mettre l’accent sur la transformation des salles d’exposition, alors que toute l’entreprise est programmée par un gouvernement qui sait devoir bientôt quitter le pouvoir. Une fois encore, l’opération semble avoir uniquement des visées électorales. Néanmoins, ces errements ne doivent pas occulter une réussite majeure et durable de la période récente : l’ouverture de la Fondation Thyssen-Bornemisza.
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Des musées à la recherche de leur équilibre
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°23 du 1 mars 1996, avec le titre suivant : Des musées à la recherche de leur équilibre