À l’instar des Champs libres à Rennes ou des Archives nationales, plusieurs institutions culturelles font désormais le choix d’ouvrir et partager leurs données publiques.
France. Qu’ils soient documentalistes, éditeurs, étudiants, chercheurs, généalogistes, professeurs ou simples amateurs d’histoire et d’art, ils sont de plus en plus nombreux à utiliser les ressources fournies en « open data », ou « donnée ouverte ». Depuis cette année, certains musées, bibliothèques et établissement nationaux ont fait le choix de l’open data, augurant d’un changement des mentalités. Parmi ceux-ci, les Champs libres (réunissant, à Rennes, la bibliothèque de Rennes Métropole et le Musée de Bretagne), les Archives nationales. Mais d’autres s’y sont mis. L’inventaire des œuvres déposées au Musée Saint-Raymond à Toulouse, des centaines de cartes postales historiques numérisées collection Musée de la Cour d’or à Metz, la liste des sites et monuments classés d’Aquitaine…, toutes ces informations sont disponibles sur la plateforme des données publiques françaises, « data.gouv.fr ».
État, établissements publics ou collectivités enrichissent quotidiennement le portail de données libres ou « open data », sous la forme de statistiques, inventaires ou encore bases de données. Depuis le début de l’année 2017, la plate-forme s’est considérablement enrichie, et pour cause : les décrets d’application de la loi pour une République numérique (dite « loi Lemaire »), votée en octobre 2016, obligent dorénavant à l’ouverture par défaut de l’accès aux données des administrations publiques et leur réutilisation.
Cependant les institutions culturelles sont restées en dehors de ce nouveau régime juridique : elles relèvent en effet d’un régime d’exception qui offre la possibilité pour les bibliothèques, archives et musées de monnayer la réutilisation des « informations issues des opérations de numérisation des fonds et des collections […] et, le cas échéant, […] des informations qui y sont associées lorsque ces dernières sont commercialisées conjointement », y compris les œuvres relevant du domaine public. C’est que l’open data culturel doit faire face en outre aux questions épineuses du droit d’auteur, du droit à l’image et du respect de la vie privée. Avec le régime d’exception, chaque institution est laissée libre de percevoir une redevance ou non sur les informations qu’elle met à disposition du public, de les diffuser en contenu ouvert ou sous conditions (lire l’encadré).
De nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer cette exception et ce frein à l’essor de l’open data culturel, de l’association Wikimédia France à la Quadrature du Net. D’autres voix, tout aussi nombreuses, en appellent de leur côté au respect du droit des auteurs. Pourtant, depuis peu, plusieurs acteurs culturels ont choisi d’aller dans le sens de la loi Lemaire en diffusant librement leurs bases et leurs données numériques. En 2017, l’Institut national d’histoire de l’art (INHA) a décidé d’ouvrir en open data sa base de données. La bibliothèque numérique de l’INHA a opté pour la Licence ouverte en avril 2017. Fin juillet, ce sont les Archives nationales qui ont décidé de rendre gratuite l’utilisation de leurs données. Un choix passé presque inaperçu au milieu de l’été mais qui a frappé les professionnels du secteur, tant la question de la redevance est devenue un sujet de crispation dans le milieu des archives, dégénérant parfois en contentieux entre archives départementales et entreprises de généalogie.
Mais sur le sujet, les musées semblent plus circonspects. Si aux États-Unis le Metropolitan Museum of Art (New York) a frappé un grand coup en « libérant » près de 375 000 reproductions d’œuvres en février, les grands musées nationaux français restent frileux. L’importance historique de l’agence photographique de la Réunion des musées nationaux expliquerait en partie le retard pris dans l’ouverture numérique des collections des musées.
Le plus souvent, la bascule vers la gratuité des données et de leur utilisation découle d’une décision politique d’ordre local. En juin 2017, la municipalité de Toulouse a fait le choix d’ouvrir les données et les œuvres de ses établissements patrimoniaux (archives, bibliothèque, musées) sur son portail « data.toulouse-metropole.fr ». Mais en postant des images en basse résolution. Même option en Bretagne : « Aux Champs libres, c’est une décision globale de la collectivité, Rennes Métropole », explique Marion Six, chargée de la mise en ligne des collections du Musée de Bretagne. En septembre, près de 150 000 notices d’œuvres numérisées ont été publiées sur le nouveau portail de l’institution. Chaque année, 70 000 œuvres supplémentaires seront mises en ligne sur les 600 000 que recense le musée. « Un travail de longue haleine qui suppose un chantier complet des collections, l’identification des éventuels droits d’auteur, de multiples campagnes de numérisation 2D et 3D », poursuit Marion Six. La métropole de Rennes, qui a mis en place une politique de données ouvertes depuis 2010, disposait déjà d’un service spécialisé dans l’open data au sein de l’agglomération. Celui-ci a joué le rôle d’interface technique pendant le chantier des collections. Il a fallu tout de même faire appel à un prestataire pour élaborer pendant six mois les contrats de cession ou de renégociation des éventuels droits d’auteur.
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Dans la culture, l’open data commence à prendre corps
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°490 du 1 décembre 2017, avec le titre suivant : Dans la culture, l’open data commence à prendre corps