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ENTRETIEN

Bruno Retailleau : « La collection Cligman va faire rayonner Fontevraud »

Président du groupe Les Républicains au Sénat et conseiller régional

Par Fabien Simode · Le Journal des Arts

Le 13 mars 2021 - 1115 mots

FONTEVRAUD

Fin prêt, le Musée d’art moderne de Fontevraud, dont l’inauguration était programmée en décembre, attend la réouverture des musées pour présenter au public l’importante donation de la collection Martine et Léon Cligman (plus de 800 œuvres). Pour Bruno Retailleau, actuel président du groupe Les Républicains au Sénat et conseiller régional à l’initiative du projet, ce nouvel équipement apporte l’élément culturel fort qui manquait encore à l’abbaye royale.

Bruno Retailleau. © Olivier Ezratty, 2010
Bruno Retailleau.
Lors de la campagne pour les élections régionales de 2015, vous aviez déclaré avoir un projet pour l’abbaye royale de Fontevraud sans, à l’époque, préciser lequel. Pourquoi était-il important, pour vous, de faire vivre ce haut lieu de l’histoire de France, géré par la Région mais propriété de l’État ?

Avec l’Orchestre national des Pays de la Loire, dans le domaine du spectacle, et le Frac, dans le domaine de la création, l’abbaye de Fontevraud est le vaisseau amiral culturel et patrimonial du conseil régional. Fontevraud est un lieu unique en France, propriété de l’État, mais avec une intervention de la Région. Tous les présidents du conseil régional, y compris Jacques Auxiette [président socialiste de 2004 à 2015], de droite ou de gauche, ont eu une action pour Fontevraud. Je voulais donc un nouveau projet pour l’abbaye, parce qu’il lui manquait un élément culturel fort. Fontevraud n’avait pas encore le rayonnement que la dimension historique et spirituelle du lieu imposait pourtant.

Quand avez-vous rencontré Martine et Léon Cligman, dont la donation d’une partie de leur collection sera bientôt présentée à Fontevraud ?

En 2017, lorsque j’ai su que le projet d’ouverture d’un musée de la collection à Tours venait de capoter, un collaborateur m’a rapproché de Martine et Léon Cligman. Je m’étais auparavant renseigné, notamment auprès d’Henri Griffon (président du Frac Pays de la Loire), sur la qualité de cette collection, qui avait déjà été approuvée par le conseil artistique des Musées nationaux. J’avais bien sûr entendu parler de Léon, industriel dont la plupart des unités de production textile étaient implantées dans le Maine-et-Loire, mais je ne l’avais jamais rencontré, ni lui ni Martine. Je ne saurais pas vous dire comment, mais le courant est immédiatement passé entre nous. C’est ainsi que je leur ai proposé de visiter l’abbaye de Fontevraud, sans moi afin de ne pas les influencer. Le site les a tout de suite séduits ; Léon et Martine m’ont appelé le soir même pour me donner leur accord. Marcel Proust disait que « la lecture est une amitié » ; l’art aussi est une amitié !

Dans quel état d’esprit étaient les collectionneurs lorsque vous les avez rencontrés pour la première fois ?

Ils étaient totalement échaudés par l’abandon du projet de musée à Tours, et dans une situation de défiance vis-à-vis des collectivités locales – peut-être aussi, des élus. Il a donc fallu restaurer un climat de confiance que notre amitié a vite rendu possible. Je suis allé régulièrement déjeuner chez eux, où j’ai pu voir les œuvres dialoguer sur leurs murs. Je les ai également associés à toutes les étapes du projet : au recrutement de Dominique Gagneux, la directrice du musée, de Constance Guisset, la scénographe, etc. À chaque pépin, j’étais par ailleurs là pour les rassurer : le renforcement nécessaire des fondations, les fouilles archéologiques, la pandémie de Covid-19… Le chantier n’a pas été simple, même si je précise que la création du Musée d’art moderne, dans l’ancien bâtiment de la Fannerie, s’est faite en un temps record, grâce, aussi, à la collaboration exceptionnelle des services de l’État.
Mais l’arrivée de Dominique Gagneux a été aussi une pièce maîtresse du projet. Elle a très vite gagné la confiance de Martine, puis celle de Léon, ce qui a grandement facilité les choses. Je crois qu’ils ont eu confiance dans l’accrochage d’une conservatrice de musée [Dominique Gagneux était précédemment conservatrice en chef au Musée d’art moderne de Paris, NDLR], qui allait donc prendre soin des œuvres, les restaurer et les exposer dans un parcours scénarisé, sans jamais perdre le fil d’une collection privée.

L'Abbaye de Fontevraud © Sébastien Gaudard
L'Abbaye de Fontevraud
© Sébastien Gaudard
Est-ce à ce moment-là que les époux Cligman ont décidé de faire une seconde donation à la Région, en plus de celle faite à l’État ?

Absolument ! Il faut même parler d’une triple donation : plus 500 œuvres d’art à l’État, plus de 300 à la Région Pays de la Loire, suivie d’une donation de 5 millions d’euros (4 millions d’euros pour le musée – soit un tiers du coût du musée ! – et un million qui amorcera le fonds de dotation pour l’enrichissement futur de la collection).

Vous avez été élu président du conseil régional en décembre 2015 mais, en tant que sénateur, la loi de 2014 sur le non-cumul des mandats vous a obligé à laisser votre place à Christelle Morançais. Pourquoi avez-vous décidé tout de même de continuer à suivre le projet de musée de si près ?

La loi m’interdisait de rester parlementaire et président du conseil régional, mais elle m’autorisait à redevenir simple conseiller régional. Il était donc évident pour moi que je devais poursuivre cette relation privilégiée qui, dès le départ, a reposé sur quelque chose d’humain et d’unique.

Qu’est-ce que ce nouveau musée doit apporter à la région ?

Il va faire rayonner Fontevraud. Il va asseoir un peu plus encore ce lieu en lui donnant un pied dans l’universalité. Le Musée d’art moderne de Fontevraud montre des œuvres grecques, chypriotes ou des Cyclades, qui ont parfois quelques milliers d’années, dans un monument occidental qui a 900 ans d’histoire. La collection Cligman a justement été construite sur les correspondances entre les œuvres et les objets, en dépit des continents et des époques. Elle est un conservatoire de l’ADN humain.
Ce musée séduira autant les férus d’art que le public qui viendra à Fontevraud pour visiter l’abbatiale, et qui n’aura, parfois, jamais mis les pieds dans un musée. Cette collection est la plus belle des pédagogies, en phase avec le projet du moine Robert d’Arbrissel qui a fondé Fontevraud, en 1101, sur le concept de cité idéale.

Quelle est votre relation personnelle à la création ? Êtes-vous amateur, voire collectionneur, d’art ?

Ce que je sais sur l’art contemporain, je l’ai appris grâce à Henri Griffon – en dehors de mes lectures, car je suis un grand lecteur qui aime particulièrement la philosophie de l’art. C’est Henri qui m’a fait rencontrer le galeriste Alain Margaron, à Paris, avec lequel j’ai découvert l’œuvre de René Laubiès, Anselme Boix-Vives, Fred Deux… Je ne suis pas un grand collectionneur – je n’en ai pas les moyens – ni un grand connaisseur, mais je suis un amateur qui vit au milieu d’une petite vingtaine d’œuvres d’artistes singuliers. C’est une partie cachée de moi dont je ne parle jamais.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°562 du 5 mars 2021, avec le titre suivant : Bruno Retailleau : « La collection Cligman va faire rayonner Fontevraud »

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