PARIS
La volonté de la ville de Paris de maintenir les anneaux olympiques sur la tour Eiffel n’est pas sans risque juridique.
Alors que la conservation de la vasque et des statues des femmes ayant marqué l’histoire de France semble faire l’unanimité, le maintien des anneaux olympiques conçus par Pierre de Coubertin sur la tour Eiffel suscite le débat et divise l’opinion. La maire de Paris vient d’affirmer que la décision lui revenait, tandis que la ministre de la Culture plaide le respect des procédures. Le débat n’est certainement pas clos mais il semblerait bien difficile de maintenir ad vitam aeternam les anneaux sur la tour Eiffel au regard de trois considérations juridiques.
La première réside dans le Code du patrimoine. Depuis 1964 la tour Eiffel fait l’objet d’une inscription au titre des monuments historiques, ce qui suppose que la ville de Paris, propriétaire de la tour, ne peut en disposer à sa guise. La modification de l'aspect extérieur doit faire l'objet de procédures spécifiques et d’un accord préalable du ministre de la Culture. Face à une protection jugée moins efficace que celle du classement, la ville de Paris n’avait pas souhaité procéder volontairement au classement de la tour malgré le souhait émis au début de l’année 2024 par la ministre de la Culture, qui était par ailleurs en mesure de la classer d’office sans l’accord de la ville... Les associations Urgences Patrimoine France et La France en Partage ont donc décidé d’engager ces derniers jours toutes actions pour « régler cette anomalie de l’histoire et de veiller à ce que la procédure [de classement] aille jusqu’à son terme ».
La seconde difficulté réside dans le Code de l’environnement. En effet les anneaux constituent une publicité, à savoir une forme destinée à informer le public ou à attirer son attention. Or la loi prévoit une interdiction de tout affichage publicitaire sur les monuments historiques, sauf afin de permettre le financement des travaux de restauration. Aussi plusieurs lois d’exception, prises pour l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques, ont dérogé à cette règle afin d’apposer les anneaux sur la tour ou les agitos sur l’Arc de triomphe. Et ces derniers doivent disparaître quinze jours après la fin des jeux. On voit mal comment la ville de Paris pourrait contourner ces dispositions.
La troisième difficulté réside dans le Code de la propriété intellectuelle car la tour est susceptible d’être protégée au titre du droit d’auteur. La défense du droit moral peut jouer un rôle non négligeable car, sans l’accord des ayants droit des architectes, toute modification apportée à cet édifice risquerait de porter atteinte à son intégrité. Les descendants de Gustave Eiffel ont déjà marqué leur réprobation publique puisque « la tour Eiffel n’a pas une vocation d’antenne publicitaire ». Néanmoins ce droit moral n’est pas intangible et la ville de Paris pourrait y porter atteinte à la condition que cette altération soit rendue strictement nécessaire par un motif légitime – esthétique, technique ou de sécurité publique – tiré de l’adaptation à des besoins nouveaux ou de l’évolution du service public. En l’espèce une telle tentative serait bien vaine.
Les anneaux sont des marques du Comité international Olympique. Ne risque-t-on pas de complexifier l’utilisation de l’image de la tour Eiffel – déjà soumise à autorisation car l’éclairage de nuit est soumis au droit d’auteur – par l’ajout d’anneaux dont le Comité pourrait garder un vrai contrôle afin d’autoriser ou d’interdire l’exploitation des captations de la tour Eiffel de jour comme de nuit en raison de la présence de ses marques ?
Les obstacles juridiques sont donc nombreux et difficilement réconciliables. Il n’est pas anodin que plusieurs associations aient manifesté leur intention de saisir le juge si la ville de Paris maintenait arbitrairement ces anneaux.
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Anneaux olympiques sur la tour Eiffel : que dit le droit ?
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