Constituées essentiellement d’œuvres multiples, les collections des artothèques ont longtemps été peu considérées. La recherche en histoire de l’art commence peu à peu à s’y intéresser.
« Pendant mes études d’histoire de l’art, je n’avais jamais entendu parler des artothèques. Puis, comme j’étais spécialisée en photographie, j’ai découvert la riche collection de Grenoble à l’occasion d’un processus de recrutement à l’université. C’est comme cela que tout a commencé ! » Docteure en histoire de l’art contemporaine, Juliette Lavie n’en savait pas plus que la plupart de ses collègues sur les riches collections des artothèques. Cette rencontre fortuite avec l’institution grenobloise la pousse à envisager le potentiel d’un fonds national comptabilisant quelque 70 000 œuvres, jamais étudié. Elle dirige aujourd’hui le projet de recherche « Les artothèques publiques françaises et leurs collections », mené au sein du Centre d’histoire culturelle et sociale de l’art de l’université Paris 1, et bénéficiant d’un financement de l’Agence nationale de la recherche.
Commencé en 2023, ce projet de recherche porté par Juliette Lavie et Arnaud Bertinet (maître de conférences en histoire du patrimoine à Paris 1) défriche un champ peu considéré par le milieu de l’art contemporain. « Lorsque j’ai pris la co-présidence du réseau de l’Adra (Association de développement et de recherches sur les artothèques) il y a sept ans, j’ai réalisé la méconnaissance de ces collections, avec des a priori négatifs concernant leur contenu, se souvient Isabelle Tessier, directrice de l’artothèque de Vitré. Un de mes chevaux de bataille est de montrer leur richesse. Il y a aussi une méconnaissance sur notre fonctionnement, et certains artistes n’ont pas du tout conscience que nous sommes des soutiens à la création. » Pour adhérer au réseau de l’Adra, il faut d’ailleurs satisfaire à plusieurs exigences : celle d’une collection qui s’enrichit et restitue les enjeux de l’art contemporain, mais aussi – et surtout – le soutien à la création contemporaine.
Longtemps décriées pour leur recours aux œuvres multiples (estampes, photographies), plus abordables et plus pratiques à prêter, les collections des artothèques commencent à être considérées comme un soutien à la création. De grands noms, comme Françoise Pétrovitch, insistent ainsi sur l’importance des ventes en artothèque en début de carrière. Loin d’être des collections au rabais, les fonds des artothèques recèlent des trésors méconnus : « En face de moi, il y a une gravure de Pierre Soulages, que j’ai vu accrochée en bonne place au musée de Rodez. Nous avons le tirage d’une photographie de Lewis Baltz créée ici, à Vitré, que l’on retrouve au Whitney Museum de New York comme au Frac Bretagne. On a également Raymond Depardon, Richard Dumas, Lee Friedlander, William Klein, Vivian Maier, Bettina Rheims, Malick Sidibé… », énumère Isabelle Tessier.
Concernant la photographie, comme l’estampe contemporaine, les collections des artothèques font même figure de référence : celles de Vitré ou Grenoble sont ainsi souvent citées comme les plus beaux fonds photographiques de France. « Les historiens de l’art n’ont pas vu ces lieux, là aussi, par manque d’intérêt pour le “multiple”. Au début de notre projet de recherche, on a cherché à s’appuyer sur des spécialistes de l’estampe contemporaine et il n’y a pas grand monde », explique Juliette Lavie. Enrichies grâce aux commandes de grandes qualités du Centre national d’arts plastiques depuis 2020, ces collections gagnent lentement en visibilité. La prochaine étape du projet de recherche de l’université Paris 1 est de créer une base de données exhaustive qui permettra de saisir l’ampleur et l’importance de ces collections.
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70 000 œuvres d’art méconnues à emprunter
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°632 du 26 avril 2024, avec le titre suivant : 70 000 œuvres d’art méconnues à emprunter