Face à la montée des discours identitaires et nationalistes, combien de temps encore le British Museum pourra-t-il soutenir le principe d’universel qui l’a fondé ? C’est l’un des enjeux de la controverse sur les sculptures du Parthénon, mais également une question qui taraude désormais nombre de musées.
Au nom de l’universel, l’institution britannique justifie la conservation dans ses murs de la moitié des vestiges – métopes, pédiments, frise – sculptés au Ve siècle avant J.-C. pour décorer le Parthénon et devenus emblématiques de la Grèce antique. Le British Museum se veut un musée des cultures du monde, de leur diversité. S’il expose un objet, c’est pour le placer dans le contexte d’une histoire mondiale. Tel est le cas de ces marbres, que le visiteur découvre à proximité des sculptures d’Égypte, de Perse ou de Rome. Il peut percevoir les singularités, mais également les influences. Le Parthénon n’est plus seulement athénien, il témoigne d’échanges. L’Acropolis Museum, qui présente dans la capitale grecque l’autre moitié des vestiges associée à des moulages de ceux conservés à Londres, défend une autre vision. Il montre des chefs-d’œuvre de l’Antiquité classique et veut exalter une histoire d’Athènes. Chaque institution dit donc une histoire différente.
Du point de vue historique, le regroupement de toutes les sculptures originelles est impossible, plus de la moitié ayant disparu ou ayant été détruites au cours de l’histoire tumultueuse du Parthénon, successivement temple, église puis mosquée avant de devenir un site archéologique. En 1687, il n’est plus qu’une ruine après une explosion alors qu’il servait d’entrepôt de munitions. Pour des raisons de conservation, les vestiges ne peuvent être non plus réinstallés sur le site lui-même, ils ne peuvent être présentés que dans un ou plusieurs musées.
L’ouverture, en 2009, de l’Acropolis Museum a renforcé l’exigence, formulée dès 1983, par des gouvernements grecs d’une restitution d’œuvres « pillées ». Accusé : l’ambassadeur britannique auprès de l’Empire ottoman, Lord Elgin, féru d’antiquités grecques et romaines. Il se les était appropriées et les avait fait transporter à Londres entre 1801 et 1805 après avoir obtenu un écrit du sultan. Autorisation illégitime, disent les gouvernements grecs, puisqu’accordée par une puissance occupante. Certes, mais l’Empire ottoman contrôlait la région depuis 350 ans, était reconnu par le monde diplomatique et vu comme la seule autorité compétente à l’époque. Contestation anachronique ?
La controverse sur les sculptures du Parthénon est aussi politique. La ministre grecque de la Culture vient de le rappeler. À l’issue de la 22e session du Comité intergouvernemental « Retour & Restitution » de l’Unesco, Lina Mendoni a affirmé que ce comité avait adopté une décision « exhortant le Royaume-Uni à revoir sa position et à engager des discussions avec la Grèce ». Selon elle, ce sujet relève des deux gouvernements et non du seul British Museum. Mais, ce dernier, contrairement à bien des musées européens, n’est pas une institution gouvernementale. Il dépend de ses « trustees » [son conseil d’administration], seuls responsables légaux et moraux de la préservation des collections. La ministre, qui a aussi dénoncé les mauvaises conditions de conservation des œuvres à Londres, a fait cette déclaration avant même que l’Unesco ait diffusé le moindre communiqué. Attendons donc la publication des décisions de cette 22e session par une institution, fondée sur l’universel de la culture et qui classe des sites « patrimoine mondial de l’humanité ». En la matière, elle n’a pas de pouvoir exécutif, seulement d’influence, mais que des réseaux sociaux se chargeraient vite d’amplifier.
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Le Parthénon, jusqu’à quand ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°576 du 29 octobre 2021, avec le titre suivant : Le Parthénon, jusqu’à quand ?