L’art est depuis toujours révélateur des enjeux les plus brûlants des sociétés humaines.
Ainsi, nous dit-il beaucoup du débat qui fait rage en ce moment, partout dans le monde, et en particulier en France, entre les tenants de l’ouverture au monde et ceux de la fermeture à tous les étrangers. Entre les globalistes et les populistes, pour faire court. Les premiers veulent pouvoir recevoir du monde. Les seconds veulent fermer les frontières de leur pays. Les premiers savent que ce n’est qu’en donnant qu’on a une chance de recevoir. Les seconds assument qu’ils ne pourront rien avoir des autres, sauf par la force.
Bien des régimes, de tous les temps, toujours totalitaires, ont tenté de bannir les artistes étrangers. Parfois d’une façon douce, comme à la fin du XVIIIe siècle, lorsqu’il était exigé d’écrire les livrets nationaux dans la langue nationale. Parfois d’une façon brutale, comme dans l’Allemagne nazie qui bannissait les artistes « dégénérés » ; ou dans l’Union soviétique de Staline, où toute influence étrangère dans la musique, la peinture ou la littérature pouvait conduire un artiste au goulag.
Certes, une grande partie de l’art, en particulier en musique, en danse et en littérature, s’est toujours nourrie avec bonheur des traditions nationales, des mélodies populaires, des contes et fabliaux. Mais, jamais, même dans ce cas-là, dans les pays ouverts, cela n’a produit des œuvres d’art sans s’ouvrir aussi aux autres inspirations. Et ce sont souvent même des étrangers qui ont su le mieux s’inspirer de la culture du pays qui les avait accueillis. Ainsi de Marx ou Cioran en philosophie, de Zweig ou Henry James en littérature, de Haendel ou Korngold en musique, du Greco ou Picasso en peinture, de Brancusi ou Calder en sculpture, de Lubitsch ou Wong Kar-Wai au cinéma, de Balanchine ou Preljocaj en danse, et tant d’autres. Parfois même, le mélange est tel qu’un artiste d’origine étrangère réinterprète magnifiquement sa propre tradition dans le style d’une culture qui l’accueille, comme lorsque George Gerschwinn écrit un des plus beaux « negro spiritual » à partir d’une berceuse klezmer de son enfance d’origine hongroise.
Plus encore aujourd’hui, où l’art nous rappelle que le nouveau, le beau, le sincère, est toujours fait de mélanges, de croisements, de métissages, de rencontres ou d’empathie. Imaginez un monde, où les artistes n’auraient plus le droit de vivre ailleurs que dans leur pays de naissance. Imaginez un pays qui refuserait de recevoir les artistes venus d’ailleurs. Ce pays apprendrait vite qu’aucune activité humaine n’est possible sans l’art qui l’inspire et le nourrit, qu’aucune activité économique ou sociale n’est durable, si elle ne recherche pas la beauté. Et que, la beauté, par essence, est cosmopolite.
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L’art n’est jamais populiste
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°478 du 28 avril 2017, avec le titre suivant : L’art n’est jamais populiste