L’Afrique a toujours été ouverte sur le reste du monde, rappelle l’exposition
« L’Afrique des routes » dans ce portrait elliptique d’un continent.
PARIS - Remettre en cause des idées reçues attachées au continent africain, et notamment celle qui voudrait que les Africains aient vécu isolés : tel est l’objectif de « L’Afrique des routes », conçue par Catherine Coquery-Vidrovitch et Gaëlle Beaujean et présentée au Musée du quai Branly. Non, l’Afrique n’est pas un continent sans Histoire, les Africains n’ont jamais vécu repliés sur eux-mêmes, insistent les commissaires de cette exposition sous-titrée « histoire de la circulation des hommes, des richesses et des idées à travers le continent africain. » La gageure a été ici de raconter plusieurs milliers d’années d’histoire en une seule exposition concentrée sur une mezzanine de 750 m2.
Las ! l’échelle de temps retenue et la diversité des champs abordés étant trop vastes, le visiteur a l’impression frustrante de survoler le sujet. Passée la première section consacrée aux moyens de transport (chevaux et dromadaires dans les savanes et sur les pistes forestières ; pirogues sur les voies fluviales…), il débouche dans un second espace – exigu – où sont présentées les villes qui jalonnent les routes. L’Afrique ne se limite pas au monde rural, nous dit-on. Plusieurs siècles avant notre ère, des centres urbains importants (Carthage est fondée en 814, la cité de Napata entre 730 et 656, Djenné-Jeno au Ve siècle) prospéraient grâce au commerce. Le faible nombre de pièces exposées, sans doute en raison de la rareté des sources, rend la démonstration décevante.
L’or et le sel
La section consacrée aux routes commerciales dispose de plus d’espace, lequel est agrémenté de multiples vitrines, et se révèle nettement plus satisfaisante. On y découvre que les Asiatiques, les Perses, puis les Arabes, les Indiens et les Chinois ont commercé avec les Africains bien avant les Européens, qui n’arrivent qu’à la fin du XVe siècle. On apprend que « l’Afrique fut le principal pourvoyeur d’or du monde avant la découverte de l’Amérique ». Que le sel, rare sur ce continent, jouait un rôle considérable dans les échanges, tout comme les perles en pâte de verre, les porcelaines chinoises et les textiles qui servaient aux transactions internationales.
Après les échanges commerciaux, place aux routes des plantes et de la pharmacopée, puis aux routes spirituelles, religieuses et esthétiques.
Organisée de manière thématique, l’exposition, qui réunit plus de 300 sculptures, pièces d’orfèvrerie et d’ivoire, auxquelles s’ajoutent des peintures, est balisée de multiples repères chronologiques qui facilitent le voyage dans le temps. On y trouve également des cartes qui éclairent intelligemment le propos comme ce planisphère montrant l’importance des flux d’exportation (esclaves, huile d’arachide et de palme, cuivre, tissus et objets d’art) et d’importation (produits manufacturés, épices, tissus, armes à feu) qui irriguent le continent.
Le partage du continent africain
L’avant-dernière partie, traitant des routes coloniales, est flanquée en son centre d’une sorte de sellette sur laquelle s’anime une carte explicitant comment, au fil des siècles, les puissances européennes se sont, peu à peu, approprié le gâteau africain. En 1914, l’Éthiopie est le seul État indépendant. Le partage du continent s’est achevé trente ans plus tôt, en 1885, lors de la Conférence internationale de Berlin. « Dans les quinze années suivantes, de nouveaux contours de pays transformés en colonies furent tracés, précisés et répartis entre six États colonisateurs et une personne privée : le roi des Belges. Des guerres de conquête opposèrent militaires et colons aux forces locales. […] Tous furent vaincus, après parfois des années de combat, à l’exception de l’empereur Ménélik II d’Éthiopie, qui leva 100 000 hommes pour remporter la bataille d’Adoua contre les Italiens en 1896 », soulignent les commissaires dans ce portrait d’un continent balloté par l’Histoire.
Commissaires : Gaëlle Beaujan, responsable des collections Afrique au Quai Branly ; Catherine Coquery-Vidrovitch, historienne
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L’Afrique dans la mondialisation
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 12 novembre, mezzanine Ouest, Musée du quai Branly-Jacques Chirac, 222, rue de l’Université, 75007 Paris, tél. 01 56 61 70 00, www.quaibranly.fr, mardi, mercredi et dimanche 11h-19h, jeudi, vendredi et samedi 11h-21h, fermé le lundi, entrée 10 €. Catalogue, 256 p, 37,90 €.
Légende photo
Salière, royaume de Bénin, XVIe siècle, ivoire, 26 x 8 x 8,5 cm, Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris. © Photo : Thierry Ollivier, Michel Urtado.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°475 du 17 mars 2017, avec le titre suivant : L’Afrique dans la mondialisation