Chaque mois, Élisabeth Couturier présente un objet cher à un artiste. Ce mois-ci... la table de… Fabrice Hyber
Fétiche - Fabrice Hyber aime se mettre à table. Il peut parler des heures de sa passion pour ce meuble domestique : « Je me suis souvent demandé qui avait eu la bonne idée d’inventer la table, élément que je trouve indispensable dans la vie de tous les jours. On peut tout faire grâce à une table, s’asseoir plus haut en évitant l’humidité du sol, se retrouver autour à plusieurs pour échanger, travailler ou dîner. Pour moi, une table ressemble à un tapis que l’on aurait suspendu grâce à des pieds, mais c’est surtout un territoire, au sens propre comme au sens figuré. » Aussi, retrouve-t-on fréquemment ce thème de l’espace protecteur dans l’œuvre d’Hyber, notamment dans la pièce L’Invention de la table (1989), soit quatre piquets de clôture et un plateau en bois. Avec Les Milles Pattes (1990), inspiré du texte « Mille plateaux » du philosophe Gilles Deleuze, l’objet fétiche de l’artiste se démultiplie sous la forme d’une maquette de 3 x 2 m composée de deux cent cinquante petites tables de tailles différentes qui, collées les unes aux autres, dessinent une mini-colline : « Je voulais signifier que la table vient du sol et qu’elle nous élève. Ici encore, il s’agissait de dessiner un territoire, d’affirmer les couches géologiques. C’est pourquoi j’avais collé des dessins sous chaque table représentant l’origine de l’objet qui était posé sur chaque plateau, par exemple le dessin d’un vélo correspondait à une roue de bicyclette », explique l’artiste. Il évoque également une autre pièce, Hybervitesse (1989), mettant en scène une table basse rectangulaire sur laquelle est dessiné un paysage, exécuté au charbon de bois, à la vitesse de la pensée qui a procédé à son élaboration… Les maisons ou les ateliers occupés par Fabrice Hyber sont remplis de tables sur lesquelles traînent toutes sortes d’éléments, dessins en cours, maquettes, livres, etc. Malicieux, il fait remarquer que la hauteur d’une table de bistrot parisien (73 à 75 cm) correspond à la hauteur de la moyenne des précipitations pluvieuses dans l’année, et qu’à New-York, où il tombe 1,20 m par an, cela correspond à la chaise de bar, donc à la hauteur du comptoir sur lequel sont posés les verres ! Expert en tables, il raconte : « Ce qu’il y a sous le plateau d’une table se situe au niveau du ventre. Dans les supermarchés, par exemple, on sait que les produits concernant la nourriture et les boissons présentés à cette hauteur partent en premier ! » Cette passion qu’Hyber entretient avec ce meuble basique ne date pas d’hier : « Quand j’étais petit, j’avais une grande chambre dans laquelle il y avait trois lits, j’en changeais selon les saisons ; j’avais aussi plusieurs tables. Une, notamment, faite avec deux morceaux de bois, sur laquelle je mettais mes jeux et mes puzzles. » Il réfléchit, puis renchérit : « Une table, c’est une architecture, la plus simple possible. Ma préférée est la table carrée. Enfant, j’aimais me cacher sous la table, en faire une maison, un terrier, et écouter les adultes converser. Il y a vingt ans, j’ai vécu une année au Japon, où j’ai enseigné à l’université de Kanazawa et, là-bas, on apprend très vite à se cacher sous une table en cas de tremblement de terre. » Quoi qu’il en soit, cette idée du refuge traverse l’œuvre d’Hyber. Et le spectaculaire fauteuil transformé en nid d’oiseau géant, le N’Hyber, qu’il vient de signer pour le théâtre de la Scala, suite à la proposition d’Aline Vidal, invite, là encore, à imaginer la table qui pourrait l’accompagner !
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La table de… Fabrice Hyber
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°724 du 1 juin 2019, avec le titre suivant : La table de… Fabrice Hyber