Mécénat

Éditorial

La ligne rouge du mécénat

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 18 septembre 2024 - 410 mots

Hard Power. L’interpellation de chercheurs sur les cartels relatifs à des œuvres du Tibet exposées au Quai Branly et au Musée Guimet permet-elle de fixer une ligne rouge pour le mécénat éthique ? On sait que la pression monte depuis plusieurs années, surtout dans les pays anglo-saxons, contre les musées qui acceptent le mécénat de compagnies pétrolières, au motif que ces entreprises contribuent au réchauffement de la planète.

On peut comprendre la position des activistes si ces derniers sont cohérents avec eux-mêmes et n’utilisent plus de véhicules thermiques ni n’achètent de jouets ou de smartphones made in China, le premier pays – et de loin – émetteur de gaz à effet de serre. La Chine précisément est au centre de « l’affaire » des cartels.

Cette fois, il ne s’agit plus de soigner une réputation comme peuvent ou pouvaient le faire les compagnies pétrolières (elles sont de moins en moins nombreuses à donner de l’argent à la culture). Ici le « payeur » – le mot est plus approprié – influe directement sur le savoir transmis par le musée. On ne saura pas si le Musée Guimet s’est autocensuré en effaçant le terme « Tibet » pour complaire à la Chine ou s’il a répondu à des injonctions venant de l’empire du Milieu, mais peu importe, le résultat est le même. Dans un monde où les fake news prolifèrent sur les réseaux sociaux, devenus le premier canal d’information des jeunes, un musée national, investi de l’autorité scientifique que lui confère le nom de « musée »– il garde encore son aura –, contribue à véhiculer la propagande d’un pays autoritaire.

N’accablons pas le Musée Guimet car il faudrait alors dénoncer ceux qui font du business avec la Chine et, en échange, se taisent. Ainsi, les galeries qui participent à Art Basel Hong Kong oublient que la Chine continentale a éteint les derniers feux de la démocratie dans la « région administrative spéciale » alors qu’elle avait promis le contraire (« Un pays, deux systèmes »). Il revient plutôt à l’État de donner au Musée national des arts asiatiques (il n’y a pas que la Chine) les moyens de sa modernisation et ainsi établir un rapport de force plus équilibré dans sa recherche de financement. Car il est possible de négocier avec des collectionneurs ou des entreprises chinoises sans céder à la propagande de Xi Jinping. En tout cas, entre « greenwashing » et effacement d’un pays et de sa culture, il y a clairement une distinction. Le premier est discutable, le second non négociable.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°639 du 20 septembre 2024, avec le titre suivant : La ligne rouge du mécénat

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