Femmes

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 22 septembre 2014 - 569 mots

Ce mois-ci L’Œil fait genre. Le magazine consacre ses pages aux femmes, à toutes celles qui, artistes, muses et épouses, conservatrices de musées, commissaires d’expositions et collectionneuses, « ont fait et font l’art ». Pourquoi ? Parce que l’actualité immédiate autour des artistes du Deuxième Sexe s’y prête, voire le réclame. L’importante rétrospective « Niki de Saint Phalle », qui se tient  au Grand Palais du 17 septembre au 2 février, ouvre une saison qui met à l’honneur Sonia Delaunay, Camille Claudel et Tania Mouraud, pour les événements les plus médiatiques.  Si toutes les quatre ont nourri un travail singulier réductible  à aucun autre, fût-il celui d’hommes aussi importants que Jean Tinguely, Robert Delaunay ou Rodin, toutes ont en commun d’être des artistes indépendamment de leur sexe, et de voir enfin leur travail réévalué par un système (écoles, galeries, musées) qui leur a longtemps fermé les portes.  Ainsi l’œuvre de Niki de Saint Phalle ne s’arrête-t-elle plus aux célèbres Nanas, dont une, merveilleuse de gaieté, fait notre couverture, mais s’impose par la radicalité de son engagement politique (la guerre d’Algérie) et féministe (créé en 1872 par Alexandre Dumas fils dans un sens péjoratif, le mot est repris dix ans plus tard par Hubertine Auclert qui lui donne son acception actuelle). Pourtant, il ne s’agit pas ici de faire un numéro manifeste, ni même un numéro « ghetto ». Notre engagement ne se situe pas sur le terrain du militantisme, mais de l’information et de la critique d’art. On pourra reprocher à L’Œil de ne pas avoir fait les portraits de Monique Frydman, Agnès Thurnauer, Lucy Lippard  et de tant d’autres figures de femmes engagées, nous avons choisi de couvrir plus largement l’actualité, parfois légère, de Claire Tabouret, Latifa Echakhch, Susanna Fritscher, Hélène Delprat, Annette Messager, Sophie Calle, Orlan, Carol Rama, Sophie Taeuber-Arp, Séraphine de Senlis, Jacqueline Delubac, de la mode des années 1950, etc., loin de toute revendication de genre. En jetant tout de même, ici et là, des pavés dans la mare : comme l’accession encore difficile des femmes aux postes les plus hauts des grands musées (ce « plafond de verre » dont parlent presque toutes les conservatrices du patrimoine interrogées) ; comme l’inégalité flagrante des cotes entre les hommes et les femmes sur le marché de l’art ; ou comme la très faible  part des femmes parmi les artistes exposés, y compris dans les expositions d’Art brut. Si l’exposition pompidolienne « Douze Ans d’art contemporain en France, 1960-1972 » ne présentait en 1972 que deux plasticiennes (Sheila Hicks et Niki de Saint Phalle), elles ne sont guère plus nombreuses en 2002 dans l’exposition « Les Années 1970 : l’art en cause »  au CAPC de Bordeaux (10 % de femmes seulement) et en 2009 dans l’exposition « La Force de l’art », qui dénombre parmi les artistes sept femmes pour trente-cinq hommes. La situation s’est donc très nettement améliorée,  en témoigne ce numéro « 100 % femmes » que nous n’aurions pas pu réaliser avec autant d’ambition il y a quarante ans, mais des progrès restent à accomplir.  Et les acquis sont fragiles. Comme le dit Hélène Delprat, « il est urgent de veiller au grain », tout en gardant toujours à l’esprit que l’art n’a pas de sexe. « Il y a, nous dit Annette Messager dans les pages que vous vous apprêtez à lire, l’art tout court. Il est fait par les humains. »

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°672 du 1 octobre 2014, avec le titre suivant : Femmes

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