Exclusion - Avec la mise en ligne de l’application ChatGPT par la société américaine OpenAI, suivie de Bard par Google, l’intelligence artificielle (IA) fait donc son entrée dans notre quotidien. Depuis le mois de décembre 2022, tout un chacun peut désormais solliciter ChatGPT pour produire du savoir et générer du texte. Une petite révolution qui n’a pas manqué de raviver les débats : l’IA remplacera-t-elle l’être humain ou l’améliorera-t-elle ? Peut-elle se substituer aux créateurs, artistes, musiciens et écrivains ? Ne risque-t-elle pas, aussi, de manipuler les masses, et de précariser davantage le travail ? Autant de questions et d’inquiétudes légitimes qui restent en suspens. De fait, beaucoup pensaient, il y a encore peu, que l’IA était une menace pour les emplois manuels. On réalise aujourd’hui qu’elle va aussi bouleverser les métiers intellectuels et créatifs – plusieurs éditeurs ont d’ores et déjà recours à l’application Dall-E pour générer des couvertures de livres. ChatGPT, Bard, comme les prochains robots conversationnels, permettent à un étudiant, à un écrivain, un poète, un compositeur ou un journaliste, de produire une dissertation, un roman, un vers « à la manière de » Victor Hugo, une pièce symphonique ou un article. « Jusqu’à présent, l’IA promettait de nous confisquer nos métiers ; va-t-elle aussi nous priver de l’art de nous raconter ? », alerte le chercheur Karl Eychenne dans une tribune du Monde. Et « l’art » d’exposer, ne va-t-elle pas aussi nous le confisquer ? Après tout, si l’intelligence artificielle peut remplacer les créateurs et les auteurs, pourquoi ne remiserait-elle par les commissaires d’expositions au placard ? ChatGPT et Bard peuvent en effet très bien concevoir un accrochage : suggérer un thème, une liste d’artistes et des rapprochements entre des œuvres, écrire les cartels, le catalogue et, pourquoi pas, proposer de nouvelles attributions. Grâce à l’IA et à la reconnaissance faciale, des chercheurs britanniques viennent, par exemple, d’attribuer le Tondo de Brécy au peintre Raphaël , contre l’avis des experts. Selon eux, il existerait 97 % de chance pour que le tableau soit bien de la main du maître. On rassurera les conservateurs et les curateurs en leur rappelant que, nourrie par les connaissances humaines, l’intelligence artificielle n’est pas plus « intelligente » qu’un singe savant. La machine ne pense pas, elle calcule. Elle ne fait preuve ni d’intuition ni d’émotion. En ce sens, l’IA n’est pas près de remplacer les commissaires d’expositions, mais elle peut leur apporter une aide précieuse. Pour combien de temps encore ?
Inclusion - Qu’est-ce qu’un musée en 2023 ? Le 24 août dernier, le Conseil international des musées en a donné la définition suivante : « Un musée est une institution permanente, à but non lucratif et au service de la société, qui se consacre à la recherche, la collecte, la conservation, l’interprétation et l’exposition du patrimoine matériel et immatériel. Ouvert au public, accessible et inclusif, il encourage la diversité et la durabilité. Les musées opèrent et communiquent de manière éthique et professionnelle, avec la participation de diverses communautés. Ils offrent à leurs publics des expériences variées d’éducation, de divertissement, de réflexion et de partage de connaissances. » Si les premières lignes de cette définition ne changent guère de la précédente, la suite est plus intéressante. Outre la place plus importante qu’elle accorde aux publics, elle intègre de nouveaux concepts en phase avec la société actuelle : l’inclusion, la durabilité et la participation des communautés. L’inclusion, c’était justement le thème du deuxième « workshop » organisé fin janvier par le Palais des beaux-arts de Lille. Sous le titre « Construire l’inclusion de nos musées : inclure, participer, réparer, ralentir », l’institution lilloise a programmé une série de conférences aux intitulés parfois provocateurs, mais qui montrent bien la nature des préoccupations actuelles : « Les publics ont-ils vraiment leur place au musée ? » ou encore « Ne plus rester sourd aux évolutions du monde : comment prendre en considération une plus grande diversité des points de vue ? ». Parler d’inclusion, c’est reconnaître que de nombreux publics restent aux portes de l’institution. Dès lors, comment faire en sorte que les visiteurs, quels que soient leurs origines sociale, culturelle ou géographique, leur âge, leur handicap ou leur différence, se sentent les bienvenus au musée ? Qu’ils le voient comme un lieu accessible et, donc, le fréquentent davantage ? Les pistes évoquées ont été nombreuses : diminuer les prix des billets, mieux connaître les visiteurs comme les non-visiteurs pour adapter les médiations, construire des architectures moins intimidantes, repenser les espaces intérieurs pour ménager des temps de pause, simplifier les cartels, accueillir davantage de diversité (artistes femmes, noirs, LGBTQIA+, etc.) dans les collections, les expositions et la gouvernance des institutions, développer l’art et la muséothérapie, aborder des sujets d’actualité (la décolonisation, l’écologie, etc.)… Car l’enjeu est de taille pour le musée : faire société à un moment où l’exclusion et les divisions sociales polarisent de plus en plus violemment le monde.
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Exclusion / Inclusion
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°762 du 1 mars 2023, avec le titre suivant : Exclusion / Inclusion