De choses et d’autres

De Choses - « Exposer consiste à rassembler des objets en un lieu donné, plus ou moins accompagnés de textes, en vue de permettre à des visiteurs de les découvrir […]. Dans les musées, l’exposition relève de la fonction de communication. » Voici la définition que le nouveau Dictionnaire de muséologie donne de l’entrée « Exposition » [François Mairesse (dir.), coédition Icom/Armand Colin, 672 p., 47 €]. Les lecteurs de L’Œil le savent mieux que personne, l’exposition est un média à part entière pas tout à fait comme les autres. Elle forme « un tout cohérent destiné à produire un effet sur le visiteur à la fois esthétique et cognitif, éventuellement émotionnel », poursuit le Dictionnaire de muséologie, qui la rapproche de la représentation théâtrale. La nouvelle exposition du Louvre coche toutes les cases : esthétique, cognitive et émouvante, « Les choses, une histoire de la nature morte » est en tout point remarquable. Loin des expositions « scientifiques » auxquelles le musée nous a accoutumés, « Les choses » est la proposition d’une autrice (une « carte blanche », dit le Louvre) : Laurence Bertrand Dorléac, à qui l’on devait déjà un essai passionnant sur le sujet [Pour en finir avec la nature morte, Gallimard, 2020, 376 p., 26 €]. Clin d’œil à Georges Perec et Francis Ponge, l’historienne de l’art a préféré le mot choses à l’expression consacrée nature morte, qui ne rend pas compte d’un genre qui fut bien vivant, et le demeure encore. Elle fait le pari que la représentation des choses est un observatoire des sociétés qui les ont vu naître : leur système économique, politique, la relation entre les hommes et les femmes, le statut de l’animal et de sa souffrance, etc. Voilà pour le discours. Côté esthétique, « Les choses » réunit un ensemble exceptionnel d’œuvres de la préhistoire à nos jours, du cairn de Gavrinis à Pierre Buraglio, en passant par Pompéi, Chardin et Manet. L’exposition mélange des chefs-d’œuvre absolus, comme l’Agnus Dei de Zurbarán (1635-1640), avec des œuvres plus inattendues, à l’instar d’un magnifique livret de dévotion en ivoire du XIVe siècle, véritable catalogue d’objets. Pas une œuvre n’y est de trop, même quand elle est de Séraphine de Senlis ou de Bernard Buffet. De tout cela naît une émotion rare et bien vivante. « La nature n’est pas morte », écrit Laurence Bertrand Dorléac. Le média exposition non plus, dont la visite des « Choses » reste, à jamais, inoubliable.

Et D’autres -  Il y a moins d’un an, la foire d’art contemporain Art Basel évinçait sans ménagement la Fiac du Grand Palais. Un séisme, certes feutré, mais un séisme tout de même, tant la Fiac régnait sur Paris depuis près de cinquante ans. Mais c’était oublier que le marché de l’art a horreur du vide, qui a vite repris ses droits. En seulement quelques mois, Art Basel a lancé « Paris+ par Art Basel », dont la première édition s’est tenue avec succès au Grand Palais éphémère en octobre. Au milieu de la tempête, Paris Photo, propriété du groupe RX France (anciennement Reed Expositions, également organisateur de la Fiac), n’a quant à elle pas vacillé d’une feuille. Et pour cause, si la Fiac était considérée comme le challengeur dans la catégorie art contemporain, Paris Photo reste la championne en titre des foires internationales de photographie. La voici donc de retour en novembre, inamovible dans un Paris redevenu le centre du monde, emmenant avec elle l’écosystème de la photographie : foires satellites (a ppr oc he), festivals et parcours (PhotoSaintGermain, Photo Days), expositions dans les galeries et les musées, etc. Et les planètes n’avaient plus été autant alignées depuis longtemps. Après trois ans de pandémie et d’obstacles (confinements, pass sanitaire, fermeture de frontières, etc.), collectionneurs, marchands et institutionnels du continent américain ont retrouvé le chemin de la France. Demeure toutefois une inconnue : la crise économique et ses effets sur le marché. Car l’insolente santé du marché de l’art n’est qu’apparente et masque une réalité bien plus contrastée. Salon de qualité créé en 2011, Fotofever appuie cette année sur « pause » pour des raisons financières. La prochaine édition ne devrait pas avoir lieu avant 2024, si tout va bien. Nombre de galeries et d’éditeurs ne sont pas en meilleure forme. Car l’inflation pèse sur un écosystème déjà fragile qui peine à absorber la hausse des coûts de production et de transport, la baisse des subventions, comme le moral en berne d’un monde angoissé par la guerre et les tensions internationales. Les semaines qui viennent seront, pour beaucoup, décisives.